SAINT-SERNIN-DU-BOIS

 

ET

 

SON DERNIER PRIEUR

 

J.-B.-AUGUSTIN DE SALIGNAC-FÉNELON

 

L’abbé SEBILLE

 

 

Curé de saint sernin du bois – membre de la société Eduenne

Autun

Imprimerie de Michel Dejussieu

 

1875

 

truc

 

 

SAINT-SERNIN-DU-BOIS

ET

SON DERNIER PRIEUR

 

J.-B.-AUGUSTIN DE SALIGNAC-FÉNELON

 

 

Dieu et les événements semblent quelquefois conspirer ensemble pour favoriser l'humilité de ces hommes qui n'ont qu'une ambition : celle de faire le bien dans le secret, et loin du regard de la foule. Leur souvenir, leurs traces, leurs oeuvres disparaissent et s'effacent peu à peu. C'est à peine si un siècle indifférent ou ingrat transmet leur nom au suivant plus oublieux encore.

Il en est ainsi pour Jean-Baptiste-Augustin de Salignac-Fénelon (1). Ceux qui veulent étudier sa vie, et nous ne sommes pas les premiers, se trouvent arrêtés dès le commencement. Plusieurs des registres de sa paroisse natale ont été perdus (2) et il n'est pas encore très certain que l'on possédé, son véritable acte de naissance. De tombe, il n'en a jamais eu : au moment de sa mort il n'y en avait pour personne.

Nous savons seulement par son jugement et toutes les biographies qu'il avait quatre-vingts ans en 1794, ce qui a fait fixer sa naissance en 1714. Or, le 30 août de cette année nous trouvons le baptême d'un enfant de la famille, ainsi enregistré : " 30 août 1714, a été baptisé Jean de Salaniac, fils légitime, d'Arnaud de Salaniac, écuyer, seigneur de la Poncie, et de

 

(1) On écrit indifféremment sur les registres Salaniac, Salaignac, Salainiac. Salignac est plus récent. (Note de M. le curé de Saint-Jean-d'Estissac.)

(2) Sont perdus 1715, 1718, 1719, 1720, 1721, 1728, 1729.

 

Marie Dumas, dame de la Poncie; - parrain, Jean de Salaniac, écuyer, et marraine, Suzanne de Salaniac, damoiselle de la Poncie, qui ont signé avec moi. Jean de Salaniac; Suzanne de Salaniac; Marot, curé. "

Cet acte, comme on le voit, ne satisfait pas entièrement puisqu'il ne relate ni le nom complet de Jean-Baptiste, ni celui d'Augustin. On explique cette lacune en disant que le nom de Jean est dans cette paroisse toujours Jean-Baptiste, patron du lieu ; et que pour le nom d'Augustin, c'était, selon la coutume de la contrée, son petit nom, pour le distinguer de ses autres frères appelés comme fui Jean. Cette précaution n'était pas inutile, car cette, famille avait reçu une bénédiction particulière de Dieu; chaque année depuis leur mariage célébré le 6 août 1709, messire de Saliniac, chevalier, seigneur de la Poncie, et Marie Dumas, fille de messire Jean Dumas de Félines, et de Jeanne Testard de la Rigale, voyaient leur maison s'augmenter d'un nouveau-né (1). On peut compter ainsi treize enfants, et si l'on veut voir dans notre prieur l'enfant de 1714, il était né le quatrième de cette union féconde et morale.

Le château de la Poncie (2) était de modeste apparence; il était loin de valoir ces riches et vieux manoirs qui sont en grand nombre dans le Périgord. Le corps du logis et de vieux arbres plusieurs fois séculaires annoncent sa haute antiquité. Bâti sur une éminence, à deux cents mètres sud-ouest de Saint-Jean-d'Estissac, il fut longtemps perdu au milieu des terres, sans chemin, sans route, sans communication aucune. (3) Dans cette famille régna toujours un accord parfait, et dans plusieurs circonstances nous voyons ses membres traverser la

 

(1) Voir les registres de la paroisse de Saint-Jean-d'Estissac,

(2) Ce château reçut le nom de Poncie depuis qu'un Salignac était venu s'y marier avec Mlle de Poncie; on disait en patois -Io doumeizello de Io Pouncio; de là le nom de Poncie. Mais auparavant il portait le nom Puy-Jean et quelquefois Puy-Joli, d'après M. Larmandie, savant de Périgueux.

(3) Des voies larges et spacieuses le relient aujourd'hui aux grands centresd'alentour : Bergerac, Murridon, Villamblard et Neuvie.

 

France, les uns ou les autres, pour se visiter ou se rendre quelque service.

Henri et Augustin, notre futur prieur, firent leurs études dans la contrée, c'est-à-dire à Périgueux. Mais pendant que le premier travaillait dans un des Séminaires diocésains à obtenir le titre de bachelier en théologie, le second terminait dans une maison de cordeliers (1) une instruction plus modeste et par là même plus rapide, puisque dès 1738 il était déjà sous-diacre (2). Une signature de lui : Salignac cord. pourrait nous faire croire qu'il eut un instant l'intention de rester dans ce couvent si son appel à la cour n'eût modifié cette première tendance vers la retraite et le silence.

La piété, le besoin d'un soutien pieux et fort, au milieu du monde, l'attirèrent sans doute dans la compagnie de M. Olier qui accueillit avec bonheur un petit neveu du grand archevêque dont elle conservait si religieusement le souvenir. Augustin fut fidèle toute sa vie à ces premières relations qui eurent sur lui une profonde influence. Bien des années plus tard, retiré dans son prieuré de Saint-Sernin, il aimait à voir chez lui les directeurs du grand Séminaire d'Autun. Il invita, dans quelques grandes circonstances, M. de Rochebrune et M. Goutard (3). C'est dans cette congrégation certainement que notre prieur conçut pour l'archevêque de Cambrai le grand amour qu'il lui porta toute sa vie. Malgré la parenté très éloignée (4) qui les rattachait l'un à l'autre, il aimait à s'entourer de son souvenir. Il avait

 

(1) Les cordeliers avaient alors une maison à Périgueux.

(2) Cette différence d'instruction ne s'accuse pas seulement par les titres qu'Augustin n'eut jamais, mais encore par l'orthographe et l'écriture des deux frères.

(3) Pierre-François Goutard, prêtre, directeur du grand Séminaire d'Autun, fait, le 10 juin 1769, un baptême à Saint-Sernin ; M. de Rochebrune, proviseur de la même maison, assista à l'enterrement de M. Henri de Salignac, et de messire Charles de Sarode de Mussy, directeur de la verrerie de Prodhun. (Registre de la paroisse de Saint-Sernin.)

(4) L'établissement des Salignac à la Poncie date avant l'année 1650. Cela indique plusieurs générations.

 

chez lui son portrait, s'occupa le premier de l'édition de ses oeuvres complètes, voulut porter son nom, et ne signait jamais que Fénelon ou, l'abbé de Fénelon, ce qui n'était pas tout à fait légal, puisqu'il n'était pas issu de cette branche, et que son père ni aucun de ses frères ne portèrent jamais ce nom. Où aurait-il donc puisé cet estime, cette vénération, si ce n'est auprès de prêtres qui aimaient et vénéraient avant lui et comme lui ce pieux et grand génie? Or, on le sait, c'est dans la paroisse de Saint-Sulpice que l'archevêque de Cambrai avait commencé sa vie sacerdotale et qu'il avait inspiré pour sa personne et ses talents une sincère affection à la petite société de M. Olier : affection d'ailleurs largement compensée par l'estime que le prélat témoigna toujours à cette congrégation.

J. -B. -Augustin débuta d'abord à la cour (1) où il ne résida que quelques années pour venir à Saint-Sernin partager volontairement les soucis de la vie pastorale avec les différents curés de cette humble paroisse. Il y resta près de trente ans, sauf quelques années d'absence, toujours occupé, comme nous le verrons, du salut de ses frères.

Enfin, une prélature l'attendait sur la fin de sa vie. Directeur de l'oeuvre des petits Savoyards, ses contemporains lui décernèrent le titre d'évêque qu'il conserva jusqu'à la fin et qu'il porta si bien que, désormais dans l'histoire, on ne le désignera plus que sous le nom d'évêque des petits Savoyards. La charité, que nous lui verrons pratiquer toute sa vie, lui fit accomplir les plus durs sacrifices, non-seulement pour le salut des âmes, mais encore pour le bien du royaume. Nommé dès l'année de 1745 au prieuré de Saint-Sernin-du-Bois, il se fit aussitôt une obligation de garder dans cette terre une véritable résidence.

Les splendeurs, la vie facile et commode de la cour ne

 

(1) L'abbé de Salignac-Fénalon est inscrit parmi les aumôniers de la reine dans l'Almanach royal de 1745. Il ne figure pas dans l'Almanach de 1744, Sa nomination doit donc avoir été faite dans l'intervalle compris entre la publication de ces deux almanachs. (Note des archives.)

 

purent retenir Fénelon, comme ses prédécesseurs, loin de la terre que le roi venait de lui confier. Il comprenait que la coutume de la non-résidence contraire aux vœux des fondateurs et des bienfaiteurs du prieuré, très nuisible au salut des âmes, privait en outre les campagnes et l'agriculture de puissants capitaux et d'intelligences éclairées.

Nous n'avons pas l'intention d'établir un contraste entre la brillante société qu'il quittait et le séjour de Saint-Sernin : nous aimons seulement à penser que la dissolution des mœurs qui régnait alors à la cour put être une des causes qui lui fit préférer à cette vie mondaine l'isolement de nos montagnes et de nos forêts.

Plusieurs paroisses se trouvaient comprises, au moins pour quelques redevances, dans les propriétés du prieuré de Saint-Sernin ; c'étaient : Marmagne, Torcy, le Breuil (1). Cependant trois principales relevaient presque entièrement de ce bénéfice : la première était la paroisse de Saint-Pierre- de-Varenne, la seconde celle de Chazeul, aujourd'hui Saint-Firmin, enfin la dernière celle de Saint-Sernin où se trouvait bâti le château du prieur.

Ce prieuré de Saint-Sernin est d'un aspect agreste et sauvage. Le château se trouve bâti sur le penchant d'une gorge profonde et escarpée, au fond de laquelle mugit à travers les rochers un ruisseau qui, très souvent, devient un torrent. Il est entouré de bois presque de tous côtés; au nordet à l'ouest se dressent les interminables forêts de Prodhun, qui vont rejoindre sans interruption les forêts de l'Autunois. Au midi s'élèvent des montagnes abruptes, dénudées, où ne pousse qu'une bruyère rare et courte, au milieu d'immenses rochers compactes, couverts de mousses et de lichens sombres, dont la tristesse et la désolation surprennent l'âme, et découragent le voyageur obligé de gravir péniblement cette côte aride. A l'est se trouve la montagne qui reçoit sur sa pente le château,

 

(1) Terrier de Saint-Sernin de 1535. (Archives de la ville d'Autun.)

 

l'église, la vieille tour et une partie du village. Malgré sa grande élévation, ce pays n'a aucun point de vue, aucun de ces horizons grandioses dont la contemplation repose des fatigues d'une longue ascension. Des montagnes plus élevées et trop rapprochées empêchent le regard de s'étendre au loin.

Le vallon, par lequel la rivière du Mesvrin entraîne toutes les eaux de la contrée dans l'Arroux , puis dans la Loire, avait été habité à une époque fort reculée. On a trouvé sur les bords de ce cours d'eau différentes statues de pierre qui remontent au paganisme, et non loin de la source, dans le village de Gamey, on voit encore un amas confus de pierres et de briques qui fut autrefois un temple païen. M. Bulliot nous apprend que c'était un compitum où les habitants venaient adorer le génie des eaux (1). La contrée tout entière paraît avoir été vouée à ce culte grossier, car en remontant le torrent qui descend de Saint-Sernin on trouve une source abondante que l'on appelle de génération en génération la fontaine sainte.

A la ruine du paganisme, le temple de Gamey fut détruit, et tout auprès on bâtit un petit oratoire chrétien.

Cet oratoire fut sans doute abandonné quand la population a été attirée, à la suite des moines, un peu plus haut dans la montagne,

On essaya à différentes reprises de réparer ces ruines. Il en reste aujourd'hui un petit réduit qui n'a pas trois mètres carrés et que l'on a remaillé, comme on a pu, de différents débris. La porte est en accolade; on voit à l'intérieur des crédences et un autel en pierre sur lequel se trouve un saint Protais en bois peint; puis au fond, à l'extérieur dans une antique fenêtre à plein-cintre, deux statues païennes sur la même pierre et que l'on décore du nom de saint Ploto et de saint Frelucho. Sous le premier de ces noms est désigné encore le pèlerinage que les familles ignorantes des paroisses voisines entreprennent les vendredis depuis un temps immémorial pour la délivrance des enfants noués.

 

(1) I. v. Bulliot, IIJ Culte des eaux sur les plateaux Éduens, p. 13.

 

Les gens du village tiennent beaucoup à tout cela; ils montrent sur le bord du chemin la fontaine du bon saint. Ils l'ont surmonté d'un petit crucifix en bronze de forme singulière. Quelques-uns d'entre eux assurent même avoir vu dans certaines nuits briller une lumière sur le toit de la chapelle.

Le vallon de Bouvier, moins large, moins fertile et plus désert que le précédent, a reçu aussi à différentes époques plusieurs habitations. Au fond on voit la tour de Champitau, restes d'un ancien château fort, autrefois assez important par ses foires et ses marchés. On lit dans les terriers de Montjeu que les vassaux des alentours étaient forcés, sous peine d'amende, d'y mener vendre leur bétail.

La pauvreté du couvent de Saint-Sernin avait attiré depuis longtemps l'attention de ceux qui en avaient la haute direction. Au onzième siècle, lorsque ce monastère dépendait du Chapitre de la Cathédrale d'Autun, Aganon, alors évêque du diocèse, apprenant que l'avarice de certains prêtres spéculait pour appauvrir et ruiner les églises de Saint-Germain, de Saint-Sernin-de-Planoise et de plusieurs autres lieux, dressa une ordonnance en faveur de ces opprimées. Il leur permit donc de considérer comme propre paroissien tout laïque qui, pour quelque raison que ce fût, séjournerait sur leur territoire ou désirerait s'y faire inhumer, et comme conséquence, il leur octroya le pouvoir d'accepter et de retenir, saris être inquiétés de personne, les dons que tout chrétien leur offrirait pendant sa vie ou après sa mort. On ne devait pas même empêcher, ni contredire celui qui, mourant ailleurs, voulait s'y choisir une sépulture après avoir, cependant, payé une somme convenable à son propre pasteur (1).

En 1243, Gauthier de Saint-Symphorien, abbé de SaintPierre-l'Estrier, légua par testament vingt sous à plusieurs églises de la contrée et entre autres à celle de Saint-Sernin, afin d'y faire célébrer un office pour le repos de son âme (2).

 

(1) Cartulaire de l'Église d'Autun, p. 49; A. de Charmasse, 1865.

(2) Même ouvrage, p. 165.

 

Mais si l'ordonnance de l'évéque Aganon procura à l'église de Saint-Sernin quelques legs pieux, la partie la plus fertile du territoire, c'est-à-dire Mesvrin et Marey, fut encore longtemps, à titre de vente ou de donation, la possession de la riche abbaye de Saint-Martin d'Autun, ainsi que nous le prouvent des chartes de .1240 et de 1252 (1). C'est aussi à cette époque, c'est-à-dire au treizième siècle que l'on réunit les deux couvents de Saint-Sernin-du-Bois et de Saint-Germain-en-Brionnais (2) pour diminuer sans doute les dépenses que pouvaient entraîner la nomination et l'entretien de deux prieurs distincts.

Malgré tous ces avantages faits successivement à ce couvent, les chanoines de la cathédrale d'Autun furent obligés en 1393 de donner encore plusieurs terres à ces deux prieurés (3) et d'annexer à la mense de Saint-Sernin, la chapelle de Chazeul (Saint-Firmin) en 1488, pour augmenter leurs ressources. Un siècle plus tard les guerres de religion vinrent éprouver de nouveau ces monastères, et les replonger dans la plus grande misère. Le couvent de Saint-Germain fut brûlé par un parti calviniste aux ordres de Clermont d'Amboise et de Brique-mont, lieutenants de l'amiral de Coligny ; l'église seule fut sauvée des flammes. te prieur et tous ses frères se virent donc forcés de fixer désormais leur résidence à Saint-Sernin, où la vieille tour qui les avait protégés deux siècles auparavant, de la barbarie, les préserva encore de la fureur des fanatiques.

Les dépendances du prieuré n'étaient pas brillantes. Elles étaient composées, à la venue de Fénelon, d'une cour appelée, cour du château, au fond de laquelle se trouvait l'église, puis une chapelle surmontée d'un clocheton ; à droite était une tour haute de près de cent pieds, seul vestige de l'ancien

 

(1) Essai historique sur l'abbaye de Saint-Martin, par M. Bulliot, 1849, t. 11, P. 83, 84.

(2) Courtépée, Description générale et particulière du duché de Bourgogne.

(3) Inventaire des papiers du prieuré, art. 23. (Archives de la ville d'Autun.)

 

couvent (1). Un toit à deux eaux la couvrait encore, mais elle ne servait plus que de grenier pour serrer la dîme. Elle était composée de cinq étages desservis par un immense escalier. La cave était munie d'un puits et d'un lavoir qui ne tarissaient jamais. Cette tour, dont personne encore n'a fixé l'année de fondation, paraît n'avoir été élevée qu'au quatorzième siècle par le prieur Jean de Saint-Privé, qui y avait réservé une chambre à son usage. Dans une charte de 1367, c'est bien elle qu'on appelle turris nova, tour nouvelle (2). Destinée primitivement à la demeure d'un Chapitre régulier de Saint-Augustin, elle a l'aspect d'une forteresse plutôt que d'un couvent. L'isolement au milieu des bois et la nécessité des temps malheureux de sa fondation avaient sans doute forcé ces religieux à se bâtir un refuge qui pût offrir assez de résistance pour attendre du secours et môme braver l'effort de, bandes armées, qui ravagèrent pendant plusieurs siècles impunément le -pays (3). Une fenêtre à la face nord-est, divisée par une croix latine et ornée à sa partie supérieure d'un double trèfle, fait penser que là devait être la chapelle intérieure ; sa position au dernier étage confirmerait cette opinion, vu la défense ancienne de l'église d'habiter des appartements supérieurs à une chapelle même privée. Cette construction gigantesque a subi les transformations des siècles (4). Avant de servir à la défense du prieuré et de la population voisine, elle avait retenti longtemps des pieux murmures de la prière ; maintenant ouverte à tous les vents, elle est devenue la demeure des oiseaux de proie qui semblent chaque jour s'associer à la joie des impies et des

 

(1) Plan du terrier de Saint-Sernin, 1749. (Arch. de cette commune.)

(2) Voir aux pièces justificatives, ch. II.

(3) Les Anglais sous la conduite d'Édouard III. Les armées de Charles le Mauvais, la Jacquerie, les Tard-Venus et les Écorcheurs,

(4) On raconte que ceux qui ont démoli les étages de cette tour ont trouvé dans une cavité très bien dissimulée un parchemin qui contenait la règle du couvent. Cette pièce fut, dit-on, portée à Mgr Devoucoux, alors grand vicaire du diocèse.

 

vandales de la révolution en jetant au-dessus de ces ruines à jamais silencieuses leurs cris stridents qui pénètrent l'âme comme le rire moqueur de l'enfer.

En face de l'église, on voyait un fournier et un réservoir. Enfin, à gauche, faisant face à la tour, s'élève encore le château, entouré au couchant d'un large fossé demi-circulaire, autre fois plein d'eau et muni d'un pont-levis et d'un pont dormant. Entre le fossé et le château régnait une seconde cour assez basse pour permettre,d'entrer de plein pied dans de superbes caves ; sur ces caves était un rez-de-chaussée, occupé très probablement par le fermier du château ; puis au premier existaient les appartements du seigneur prieur.

Le château était flanqué de plusieurs tours, toutes du côté du couchant. Elles étaient de différentes formes et de différentes grandeurs. D'eux de ces tourelles ont disparu en 1749 comme nous l'apprend un arrêt du conseil d'État qui, sur la requête du sieur prieur de Saint-Sernin, déclare les deux tours dépendantes du prieuré de Saint-Sernin tombées en vétusté et permet de les démolir (1). Trois subsistent encore ; la première est ronde et semble, au moins dans sa partie supérieure, avoir servi à un pigeonnier; la seconde qui fait une saillie rectangulaire était appelée la Tour des Archives; une autre également carrée n'a jamais eu d'autre destination que de servir de contrefort à cette façade qui est d'une grande élévation. Tout cet ensemble était formé par deux grandes portes qui furent, après la révolution, transportées aux forges du Creusot. Depuis le village, on avait accès au château par la cour des écuries; en effet, il y avait à droite, avançant sur la place, les petites écuries derrière lesquelles était une grange, puis à gauche, les grandes écuries ; en face, était planté le jardin. Les revenus de ce prieuré, perdu au milieu des bois et des rochers, ne devaient pas être très abondants. Il est vrai que

 

(1) inventaire des papiers du prieuré, art. 30. (Archives de la ville d'Autun.)

 

toutes les terres étaient de mainmorte et que le prieur en était le décimateur, dans quelques-unes seulement qui entouraient ses bois, il avait le droit de lever la partie, c'est-à-dire la moitié de la récolte. Il avait en outre en propriété seigneuriale de vastes forêts : le bois de Prodhun, divisé à moitié avec Mme" la présidente Daligre et exploité très avantageusement pour le service d'une magnifique verrerie qui fut florissante et qui était fief des abbés de Mezières (1). Puis le, bois de la Tranchée, le plus grand de tous, contenait près de cent neuf journaux. Enfin, le bois de Saint-Sernin comprenait le bois de Visinieux, le bois Labre, les champs Bardot, le bois de Chevroche, les Germenées, le Bas-de-Chêne, les Crôts-Norlots, etc .....

Cinq étangs, dont quelques-uns situés sur la montagne, pouvaient, fournir dans leurs eaux vives du poisson en abondance et surtout de première qualité. C'était l'étang de la Velle, l'étang Neuf et l'étang de Fauxjudas. Un peu plus bas l'étang de Bouvier recevant les eaux abondantes des gorges voisines. Enfin l'étang de Mesvrin comptait avec ses dépendances cent quarante-deux journaux et demi ; c'était le plus beau de tous.

Pour compléter l'énumération des biens du prieuré de Saint-Sernin-du-Bois, il faut dire aussi qu'outre les redevances particulières que chacun devait au prieur, le pays, comme société avait des obligations à rendre à son seigneur. Ces obligations portaient le nom de droits et de corvées. Elles étaient exigées de tous les habitants et comme solidairement d'après les anciens titres rapportés au terrier de 1535 dont voici les principaux passages.

Après la description minutieuse des biens du prieuré, telle que nous en avons donné le résumé, la clause continue article par article :

 

(1) Plan du terrier de Saint-Sernin, 1749. (Archives de la commune de Saint-Sernin.)

 

" La totale justice et la servitude de mainmorte. Item en oultre dient et déclarent lesdicts Claude Morelot, Claude Symouyn et aultres dessus nommez, que toute la terre, justice et seigneurie dudict Saint-Sernin appartient audict seigneur prieur et de serve condicion et mainmorte et que tous les mex et héritages des villages de Saint-Sernin, Rivière, Lacroix, le village de la More, le village des Mitaulx, Chevroche, Gamey, le mex Cornuseaul, le mex feu Léonard Morelot et le domaine Toussaint, assis au perrochage de Marmaigne, que possède à présent Léonard Gouraul, le bas de Maret, les Loys, Saint-Fremy et aultres habitans es dites terres, villages et seigneurie dudict Saint-Sernin assis en la totale justice du dict sieur prieur, haulte, moyenne et basse' et que les hommes manans et habitans en icelles sont hommes de mondict Seigneur à lui mainmortables, à cause de sondict prieuré, es quels ledit sieur a droit et faculté de prendre, lever et percevoir et à son profit, appliquer le droit de main-morte toutes et quanteffois que ledict droit y affert.

" Item compette et appartient audict seigneur prieur la rivière banalle depuis les estangs et le moulin de Mesvrain jusque à la planche des bois, et tant qu'elle se peult estandre en la justice dudict seigneur prieur. "

En laquelle les dicts habitans et hommes duditt seigneur prieur ny aultres n'ont aucung droit de pescher en icelle sans licence dudict seigneur prieur, à peine de soixante-cinq SOIS tournois démende envers ledict seigneur prieur, pour chascune fois qu'ils ou chascung d'eux y serait treuvez peschant sans licence dudict seigneur prieur ou ses commis. "

Trois charretées de bois dhue par chaque subjet 'du seigneur prieur. " Item en oultre dient et déclarent les dessus dicts, tous d'une voix, que 'tous lesdicts hommes et sujets dudict seigneur prieur à cause de sondict proré, manans et habitans en sadicte justice sont tenus charroyer, chascun an es termes suyvans, trois charretées de bois audict seigneur prieur audict prioré; assavoir l'une à la Toussaint,!,l'autre à la Nativité Nostre Seigneur, l'autre à la Purification Nostre Dame divergt, qui prendront es bois dudict seigneur prieur dessus nommé, touteffois qu'ils seront interpellés, à peine de sept sols tournois d'émende envers ledict seigneur, nourrissant par le prieur ou ses commis les charretiers à la manière accoutumée. "

Faucher, fener et charroyer les foins des prés du Colombier, du Gouhey et de Breul. "

Item plus sont tenuz et doibvent, chascun an au terme de fenaison, tous lesdicts hommes et sujets dudîct seigneur prieur lui faulcher, fener et charroyer les foings dicelluy seigneur prieur, assavoir le pré du Colombier assis devant ledict prioré, le charroyer et rendre en iceluy prioré et le pré du Goubey et de Breul en la metairie dudict seigneur prieur de Flory. En quoi faisant est tenu ledict seigneur prieur les nourrir et leur administrer leur vie selon leur estat, le tout à la manière accoustumée. "

Charroyer les paulx, porches et paisseaux es vignes de Montagu, Dezise et la montagne de Couches. "

Item et davantage sont tenus mener on faire mener et charroyer les paulx, perches et paissaulx, chascung ou qu'il convient mener, et qui sont nécessaires es vignes dudict seigneur prieur estant assises et situées aux lieux de Montagu, Dezise et la montagne de Colches; y mener les tounaux et vaissaulx pour entonner et mettre les vins dudict seigneur prieur en sesdicts lieux, aller querre les vins dudict seigneur prieur et les amener avec leursdicts boeufs, chards on charrettes, les vins d'iceluy seigneur en son prioré de Saint-Sernyn à leurs dépens en leur payant par ledict seigneur prieur leur droit, qui est pour chacung char on charrette, une torte de pain mesure Loys seulement. " ',(1)

La suite de ces droits seigneuriaux consistait en dîme, blairie et garde que chaque habitant devait faire au château.

Les sujets de leur côté avaient aussi leurs droits, tels que

 

(1) Terrier de Saint-Sernin, 1535. (Archives de la ville d'Autun.)

 

de mesurer les avoines qu'ils devaient, de prendre du bois pour leur usage, et de laisser champoyer leur bétail dans les forêts du seigneur, comme on le voit dans l'article suivant :

" Item oultre plus dient et déclarent les dessus dicts que tous lesdicts hommes et subjets dudict seigneur prieur, manans en sadicte justice, ont droit, pouvoir, puissance et faculté de pouvoir prandre, abatre et charroyer pour leurs usaiges et chaulfaiges es dicts boys, tous boys mors et mors boys et en iceux, mener paistre et champoyer tout leur bestail, gros et menu, en tout temps, en payant pour chacung pourceaulx qui seront de l'auge de mars, qu'ils mèneront, en temps de graines et gland audict seigneur prieur, chascung an au terme Saint-André, un petit blanc. vallant cinq deniers tournois ; lesquels pourceaulx, ils seront tenus appanage à la feste Saint-Michel, archange , et dict ceulx bailler dénombrement selon que l'on a accoustumé faire par cy devant. "

Enfin cette longue clause termine ainsi : " Et au surplus demeurent audict seigneur prieur et ses subjets le droit, tel qu'il leur compette et appartient par le traité faiet par lesdicts hommes et subjets dudict prioré, avec M. Rousseaul, sondict procureur audict prioré, à la fin de ses présentes de mots àaultres insérés, auxquel les parties sont rapportés, lesquels Claude Morelot le jeune, Claude Simonyn, Guillaume Mittaut et Jehan Prestet, ont dit et rapporté par-devant moy, ledict commis, les choses dessus par eux cy-dessus déclarés, ainsi qu'elles sont escriptes, après que lecture leur en a été faitej estre véritable et contenir vérité; faiet audict Saint- Sernin-du-Boys, en la maison dudict Claude Simonyn, l'ancien, en présence de noble et scientifique personne, M. Jacques de Glus, chanoine de Vergis, messire Sébastien Moreaul de Varennes, Huguenin Bonin, procureur de l'abbé de Maisières, Pierre du Nex et Jehan Moraul d'Antully, tesmoingts adce requis, le troisième jour du mois de décembre, l'an mil cinq cens trente-cinq, " 1

 

(1) Terrier de Saint-sernin, 1535. (Archives de la ville d'Autun.)

 

Tels étaient encore à Saint-Sernin, après le beau siècle de la littérature et de la civilisation, le style qu'on devait comprendre et le régime qu'on était obligé de subir. Ce petit coin, de la Bourgogne était comme une famille attardée dans l'ignorance et la servitude au milieu d'un peuple éclairé et libre.

Un grand nombre d'autres prieurés partageaient à cette époque l'état précaire de Saînt-Sernin, qui provenait de ce que ceux qui en étaient pourvus ne gardaient plus la résidence. Ils préféraient 'à une vie obscure la société et les honneurs qu'ils trouvaient à la cour des rois de France ou, auprès des princes de l'église.

Depuis bien des années déjà (1), les rois aimaient à attirer auprès d'eux un grand nombre de courtisans qui s'empressaient en beaux costumes à la cour, portant leurs moulins et leurs prés sur leurs épaules ; ou bien si ces nobles chargés de bénéfices ne résidaient pas à la cour, ils possédaient, sauf quelques rares exceptions dans les cathédrales et les évêchés, d'autres charges plus honorifiques que d'humbles commendes, dignités qu'ils étaient obligés de soutenir à grands frais.

Les revenus de leurs terres étaient alors distraits de leur usage primitif et normal pour servir à l'entretien du haut rang qu'ils aimaient à tenir.

Ferry de Grancey, archidiacre d'Autun , qui mourut au château de Thoisy-la-Berchère , le 2 août 1436, fut prieur de Saint-Sernin-du-Bois (2); mais il avait oublié bientôt cette pauvre terre sans y laisser aucun souvenir, pour remplacer, le 24 janvier 1415, son oncle, Milon de Grancey, sur le trône épiscopal d'Autun, et prendre l'année suivante l'administration de l'archevêché de Lyon. Il aimait cependant à faire le bien ;

 

(1) Vers le milieu du quatorzième siècle, l'usage des bénéfices donnés en commende devint fréquent; et jusqu'en 1791 les abbayes et les principaux prieurés des trois diocèses furent ordinairement possédés par les plus grands prélats de l'Église de France. (Notice chron., p. XIIX. - Rituel d'Autun, 1833.)

(2) Liste des évêques d'Autun. Rituel de 1833, et le Morvan, par Baudiau, t. II.

 

l'abandon gratuit, qu'il a fait des revenus de sa mense abbatiale ou épiscopale au chapitre d'Avallon en 1431, nous en est une preuve.

Après lui, les religieux avaient élu et soumis successivement à l'approbation du-chapitre de, la cathédrale d'Autun, Odillon Porchet (1436), simple religieux de bonne mémoire (1); puis Mundon Belvaylet (1443), chapelain et pénitencier du pape Eugène IV, professeur de la sacrée théologie, de l'ordre des frères prêcheurs.

Philippe Bouton de Chamilly, docteur en loi et en décret, protonotaire apostolique, chanoine et chantre de la cathédrale d'Autun, avait succédé en 4489 au prieuré de Saint-Sernin et de Saint-Germain, à noble et religieuse personne, frère Humbert de Basseuil (2). Au lieu d'entretenir et d'orner les monuments religieux de son prieuré, il préféra fonder en 1510 à la cathédrale d'Autun une magnifique chapelle (3) dont l'ornementation intérieure a été en partie détruite.

François Brinon, archidiacre de Flavigny et d'Autun, qui vint après lui, ne daigna que très rarement se rendre dans son prieuré de Saint-Sernin pour signer quelques actes du terrier qu'il faisait dresser sur ordre du roi, en 1535, par Pelletier, notaire royal d'Ostun. Lorsqu'il arrivait, il réunissait à l'église au son de la cloche, à la manière accoutumée, son chapitre qui était composée d'Alexandre Popet, sacristain, son procureur général, puis de Léonard Popet, prêtre, et de Jehan Rinet, sous-diacre et religieux. (4)

Jehan Brinon, doyen du chapitre d'Autun, succéda à son parent en 1547 (5). Ses successeurs, le seigneur de la Tournelle, aussi doyen du chapitre (1589), Henry Tissier-d'Hau-

 

(1) V. plus loin pièces justificatives, n° 3.

(2) Terrier de Saint-Sernin, 1535, p. 489. (Mêmes archives.)

(3) Histoire généalogique de la maison de Chamilly, p. 135 ; Pierre, Paillot, Dijon, MDCLXV, in-folio.

(4) Terrier de Saint-Sernin, 1585, p. 638. (Arch. d'Autun.)

(5) Même terrier, p. 671.

 

tefeuille (1670) (1), haut et puissant seigneur, messire Édouard Esprit de la Beaume-Montrevel, demeurant à Tournus (1686) (2), et M. Comte, mort le 20 mai 1741 (3), ne laissèrent aucune trace de leur passage. Enfin, messire René de Saint-Hermine, l'un des aumôniers servant par quartier dans la maison de la reine, s'était démis purement et simplement de son prieuré de Saint-Sernin, sans jamais peut-être l'avoir vu. C'était Fénelon qui devait le remplacer et combattre par son exemple l'abus déplorable que la plupart de ses prédécesseurs avaient suivi, en résidant ailleurs que dans leur bénéfice; abus qui était la seule cause de tout le mal.

Il était réellement triste de voir que ces terres, données autrefois à des couvents dans des vues pieuses, n'étaient plus considérées que comme bien temporel, dont les titulaires n'avaient plus qu'un seul souci : celui de faire rentrer les dîmes, les redevances annuelles et perpétuelles en se déchargeant sur d'autres du devoir du saint office et de la prière, seul motif d'un grand nombre de fondations. Aussi le prieuré de Saint-Sernin était tombé dans la plus grande ruine, et en 1706 en l'absence du prieur, le curé préposé à la charge des âmes ne remplissait même plus aucun devoir du saint ministère. (4)

Il fallait que la vertu de Fénelon fût bien grande ou qu'il ait eu beaucoup à souffrir à la cour pour se renfermer volontairement à l'âge de trente ans dans la solitude profonde et triste que lui offrait ce séjour.

Le château depuis fort longtemps n'avait été habité que par des fermiers (5) et ne devait pas être très propre à recevoir ce

 

(1) Inventaire des papiers du prieuré, art. 34. (Archives de la ville d'Autun et Archives de la cure de Saint-Pierre-de-Varenne.)

(2) Id., art. 37.

(3) Id., art. 33.

(4) mémoire de la visite faite dans les églises de l'archiprêtré de Blanzy. (Archives de l'Évêché d'Autun.)

(5) La chambre qu'il s'y fit construire existe encore, mais en ruine. Elle est entièrement boisée. On y voit une alcôve entre deux petits cabinets, puis

en face la cheminée en bois s'élève au milieu de plusieurs petits placards. La fenêtre unique donne sur la cour intérieure ; la porte qui est vis;-à-vis s'ouvre sur le corridor

 

noble seigneur de Salignac, élevé dans les grandeurs qu'il avait trouvées dans sa famille, et habitué aux mille facilités de la vie dont plus tard il avait joui au milieu de la cour de Louis XV. La société avec laquelle il allait vivre ne pouvait pas lui faire oublier l'aspect sauvage de ces lieux. Depuis que des moines austères étaient Venus au neuvième ou au dixième siècle s'établir dans cette solitude, quelques rares habitations seulement s'étaient élevées.

Un grand nombre d'ouvriers de toutes sortes avaient coutume chaque année de venir exploiter les bois ; quelques-uns même y étaient résidants : c'était des sabotiers, des faiseurs de pelles, des cercliers, des tourneurs,. des charbonniers, des fendeurs, Dans les carrières on rencontrait aussi quelques groliers attirés par l'exploitation facile de bancs considérables d'arkose. Le village de Chevroche était peuplé de foulonniers. (1)

Au milieu de cette population d'artisans et de laboureurs, la contrée ne possédait guère d'éléments qui pussent faire oublier au nouveau prieur le monde brillant qu'il avait quitté. Au moment de son arrivée dans le pays, deux familles, déjà déchues, achevaient de s'éteindre par des mésalliances : les deux filles que Pierre Languet de Rochefort, chirurgien à Saint-Sernin, avait eues de Léonarde de la Rivière, son épouse, s'étaient unies à deux cultivateurs du pays, malgré la très vive opposition qu'elles rencontrèrent dans plusieurs membres de leur famille et surtout dans le prieur de Saint-Thibaut, leur oncle.

Cependant la forêt de Prodhun avait vu en 1730 (2) s'établir la verrerie dont nous avons déjà parlé. M. Jacques de Sarode de Mussy, écuyer et gentilhomme verrier, en était le maître ;

 

.

(1). Voir les registres de la paroisse. (Archives de la commune de Saint-Sernin.)

(2). La première fois qu'on rencontre le nom d'un verrier sur les registres, c'est dans un acte de mariage du 15 janvier 1730. (Archives de la commune.)

 

il avait été aidé dans ce travail de fondation par Pierre des Farrions, François de Condé, gentilhomme, ensuite par Louis Ourlier, François et Antoine de Virgile (1).

Malgré ce voisinage, Fénelon n'eut de relations amicales qu'avec M. de Thélis, seigneur du Breuil, et de relations d'affaires qu'avec M. de la Chaize, seigneur engagiste de la terre de Montcenis, et M. Douhèret, son notaire et son greffier (2).

Il ne trouvait donc pour toute société dans son prieuré que celle de son curé, qui était alors maître Antoine Clément. Ce respectable ecclésiastique en 1745 était âgé de trente-six ans (3). Il était un de ces nombreux curés qui, malgré toutes les fatigues d'une grande et difficile paroisse, n'avait pour subsister que ce qu'on appelait la portion congrue. Ce modique traitement d'un grand nombre de pasteurs, fixé depuis trop longtemps à la somme de trois cents livres par d'anciens édits royaux, commençait à devenir très insuffisant pour subvenir aux besoins de leur personne et de leur maison.

Il tenait ce poste depuis la fin de 1735, lorsqu'il. vit arriver enfin son prieur et seigneur de qui il dépendait. Elle devait être pour lui de bon augure l'arrivée, au milieu de ses pauvres ouailles, de ce membre d'une des familles les plus renommées par la vertu et la générosité. Fénelon n'avait, il est vrai, pas encore exercé ses vertus bienfaisantes : cependant il avait cette année même annulé le terrier de François Brinon, pour en dresser un autre où tous ses vassaux avaient trouvé leur liberté. C'était comme un premier bienfait de joyeuse entrée.

Fénelon avait voulu que l'acte d'affranchissement accompagnât sa venue dans le pays (4), afin de donner ensuite à sa

 

(1) Antoine de Virgile, en 1757, écuyer et gentilhomme, était le maître de la verrerie de Roussillon. (Registre de l'année 1757 ; archives de la commune.)

(2) La famille Douhèret, de Montcenis, garde son souvenir avec une grande vénération.

(3) Voir son acte de décès, 23 juin 1754. (Registres de la paroisse.)

(4) Voir aux pièces justificatives la date de sa nomination et rapprocher celle des premières démarches de l'affranchissement.

 

parole plus de poids et d'autorité auprès de ces âmes qu'il se promettait d'évangéliser. Il avait bien compris aussi que la liberté devait donner à ces gens plus d'indépendance et de mérite pour le grand travail d'amélioration qu'il allait commencer. Les habitants furent pou reconnaissants du nouvel état dont leur prieur allait les gratifier. L'esprit d'ingratitude qui se trouva chez le plus grand nombre ne tarda pas à se traduire contre notre prieur par des résistances aveugles, des protestations opiniâtres et des refus même de se soumettre aux nouvelles redevances. L'inventaire des papiers du prieuré signale à l'article cinquième les pièces d'un procès intenté en l'année 1754 par le sieur prieur à plusieurs particuliers, ses censitaires, sur lequel intervient arrêt le 3 décembre 1760 qui ordonne le paiement des cens, rentes et corvées reconnues par le nouveau terrier ; lesdites pièces sont au nombre de soixante-huit y compris la grosse de l'arrêt (1). Ces réfractaires ne se tinrent pas pour battus, car ce sont probablement eux qui enlevèrent, au moment des troubles révolutionnaires, de la tour des archives, l'ancien terrier de 1535 qu'ils regardaient et voulaient conserver comme le seul titre légitime de leurs droits et de leurs redevances.

L'affranchissement de son prieuré avait occupé Fénelon dès les premières années de sa nomination. Les formalités pour inaugurer ce nouveau régime demandaient beaucoup de temps, car nous le voyons dès le 5 mars 1746 obtenir à ce sujet des lettres de la chancellerie de Bourgogne (3), lettres qui ne furent signées, enregistrées et vérifiées a l'audience par-devant M. le lieutenant civil des baillages et chancelleries de Montcenis que le 7 septembre suivant. Trois ans s'écoulèrent ensuite, avant qu'il pût mettre son projet à exécution. Enfin c'était un lundi 18 du mois d'août qu'il pût déclarer par-devant

 

(1) Archives de la ville d'Autun.

(2) Ce terrier ne figure pas dans l'inventaire des papiers du prieuré.

(3) Inventaire des papiers du prieuré, art. 1 et 2. (Archives de la ville d'Autun.)

 

l'autorité compétente et tout le pays assemblé, sa noble détermination.

L'acte qui en a été dressé et lu, commence ainsi : " Cejourd'hui, lundi 18 du mois d'août 1749, sous l'hormeau proche le château de Saint-Sernin-du-Bois, lieu accoutumé à tenir les assemblées, par devant nous, Fiacre-Antoine Venot, avocat à la cour demeurant à Montcenis, bailli et juge ordinaire des terres et seigneuries du prieuré dudit Saint-Sernin-du-Bois, sur l'heure de dix du matin ont comparu messire Jean Baptiste-Augustin de Salignac-Fénelon, conseiller du roy en ses conseils, aumônier de la reine, vicaire général du diocèze de Bésier, prieur commandataire du prieuré royal de Saint Sernin-du-Bois et dépendances du présent en sondit prieuré d'une part. " Viennent ensuite les noms de tous les chefs de famille d'autre part. (1)

Quoique ce premier acte ne fût qu'une proposition, les habitants jouirent immédiatement de leur affranchissement, c'est-à-dire dès 1749. Ce n'est qu'en 1754 que ce projet reçut toute sa force par une lecture publique. Il a fallu quatre grandes années pour refaire les terriers, dresser les plans, écrire à la main ces in-folios dans lesquels étai ' ont détaillés les droits et les redevances de chaque propriétaire. Lorsque tout fut prêt, enregistré et patenté, copie en fut lue le vendredi 24 mai 1754, sous l'ormeau du village. Assistaient à cette lecture le prieur, les curés de Saint-Sernin et de Saint Firmin, dûment convoqués, et qui avaient annoncé en chaire cette lecture le dimanche précédent; enfin plusieurs principaux de la paroisse savoir : Roy, Grangier de Parpas, Jouffroy, Bertheau, Charleux, Clémentceau, Guillaume Marlot, Jean Buffenoir, Pierre Malot, Jean Charleux, Lequin fils, Jobey, Verniseau, Jean Bouillet, Verniseau, René Varry, Pierre Jobey, Viliedoy, Venot et Saclier, greffier. Après avoir ensuite nommé

 

(1) Terrier de Saint-sernin, 1749. (Étude de Me Brugnot, notaire an Creusot.)

 

tous ceux qui avaient été présents à l'acte primitif, la clause commençait ainsi :

" A quoi ledit seigneur de Fénelon comparant comme, dessus a dit que, désirant traiter favorablement les habitants et forains propriétaires et possédants fonds rière la mainmorte directe et censive de sondit prieuré, il veut bien tant pour lui que pour ses successeurs audit prieuré, affranchir lesdits habitants eux, leurs propriétés, nés et à naître, ensemble tous les biens et héritages situés rière ladite terre de Saint-Sernin-du-Bois et dépendances, et les décharger de la sollidité des redevances, portées par les anciens titres et terriers aux clauses et conditions suivantes.(1) "

Là sont énumérées en général les redevances duos au prieur et que nous avons vues à l'ancien terrier. Elle peuvent être considérées comme nos impôts actuels, seulement les unes sont en nature, d'autres en argent; on y voit même conservées la poule de feu que l'on devait au prieur par feu croissant ou décroissant, et la langue de tout gros animal abattu sur ses terres. Il rappelle aussi aux habitants qu'il conserve le droit de chasse et de pêche, le droit de vendre vin, qu'il a surtout entre les mains le pouvoir judiciaire c'est-à-dire la haute, moyenne et basse justice, privilége dont il était fier et dont il savait user pour faire respecter sa personne.

Fénelon, loin de vivre en grand seigneur dans son prieuré, se plaisait à communiquer avec les pauvres habitants qui peuplaient la contrée. Il est plus facile et aussi plus banal de ,dire en deux mots qu'il aima, qu'il se dévoua, qu'il se sacrifia pour les âmes, que de descendre dans le détail de tous ses actes pour montrer sa bonté et sa charité. Nous nous bornerons cependant à dire ici qu'il remplit au milieu des sabotiers et des verriers les fonctions d'un simple curé de campagne. Il a baptisé, il a fait une infinité de mariages, il a

 

(1) Terrier de Saint-Sernin, 1749 (Étude de Me Brugnot, notaire au Creusot.)

 

visité les malades, administré les moribonds, lorsqu'on l'en priait ou que le curé de la paroisse était ou absent ou malade ou décédé. (1)

Pendant un séjour qu'il fit à Paris, il se tint une assemblée du clergé : c'était en 1755. La province de Lyon y avait député Gilbert de Montmorin de Saint-Hérem, évêque de Langres, et Antoine de Malvin de Montazet, évêque d'Autun, pour le premier ordre, et pour le second, Marie-Eugène de Nontjouvent et Antoine Lacroix (2). Cette noble assemblée choisit notre prieur pour régler dans la paroisse de Saint-Luperce, au diocèse de Chartres, une de ces questions mille fois résolues et à laquelle elle ne voulait pas donner plus d'importance qu'elle n'en avait en réalité. Il s'agissait d'une dispute entre le curé et le seigneur sur les droits honorifiques d'eau bénite et de pain bénit. Le seigneur ayant un gendre au parlement espérait gagner sa cause et humilier dans la personne d'un humble desservant de campagne tout l'ordre du clergé. Le curé sentit son infériorité et sut très habilement abriter le respect, dû à sa dignité derrière l'assemblée du clergé. Fénelon se rendit à Saint-Luperce et par son air doux et affable, par ses visites successives pleines de charité, gagna la confiance des belligérants qui s'en remirent volontiers à sa décision dont voici la résumé : le pain bénit sera mis sur une des crédences par préférence à tous autres, non-seulement pour le célébrant et pour les officiers du sanctuaire, mais aussi pour toutes les autres personnes en surplis et autres habits de choeur. Les prières nominales se feront d'après le droit. Le seigneur sera libre de se présenter à l'offrande le premier après le dernier du clergé ou de n'y pas venir, et l'encens à Magnificat sera donné strictement au seigneur et à la dame seuls : " M. l'abbé de Fénelon, de retour du

 

(1). Consulter les registres de la paroisse de Saint-Sernin qui contiennent même beaucoup d'actes écrits de sa main.

(2). Collection des procès-verbaux du clergé, t. VIII. (Bibliothèque du grand Séminaire d'Autun.)

 

château où il alla faire part de ce plan avec satisfaction, vint avec zèle dire qu'on acceptait ce plan à belles baise-mains, mais que le seigneur, quoique octogénaire, se sentant vif et connaissant M. le curé pour avoir la répartie preste, ils ne se verraient pas de pour que lui seigneur ne manquât quelquefois au respect dû à M. le curé ou à son état, et l'abbé ajouta de son chef que chacun lècherait ses plaies. " (1)

Les événements de la cour et des pertes de famille (2) retinrent Fénelon quelque temps encore loin de son cher prieuré. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que son absence ne se soit pas prolongée jusqu'après la mort de la reine qui, en 1768, rendait son âme à Dieu après une maladie étrange qui dura près de six mois.

En effet, nous voyons Fénelon à Saint-Sernin dès l'année .1766 occupé de plusieurs travaux: 1° d'une fondation de forges dont nous parlerons bientôt; 2° d'un pont sur le Mesvrain, construction qu'il a payé deux cents livres à maître Petitjean, entrepreneur et tailleur de pierre (3); 3°. d'une exploitation te vignes à Vernotte où il fit élever des constructions importantes (4); 4° enfin il fit placer cette année même trois grandes croisées dans le sanctuaire et la sacristie de son église de Saint-Sernin, au prix de quatre-vingt-trois livres, le tout non compris la taille, les voitures et la menuiserie.

Ces réparations à l'église furent dépenses perdues puisque l'année suivante il entreprit de la reconstruire entièrement.

Les édifices religieux de la paroisse se composaient de trois sanctuaires. Les moins importants étaient deux chapelles éloignées de Saint-Sernin d'une demie-lieue ; l'une était la chapelle de Gamey dont nous avons parlé, l'autre la chapelle

 

(1) Extrait des registres de l'état civil de la paroisse de Saint-Luperce, canton de Courville, arrondissement de Chartres (Eure-et-Loir).

(2) Il perdit sa mère, âgée de soixante-treize ans, le 9 mars 1759. (Registres de la paroisse de Saint-Jean-d'Estissac.)

(3) Quittance du 3 juillet 1766. (Étude de Me Èrugnot, notaire au Creusot.)

(4) Ventilation de la ferme de saint-sernin, art. 2. (Archives de la ville d'Autun.)

 

de Prodbun dont il ne reste plus rien. Toutes deux, d'après un procès-verbal de visite qui date de 1681, étaient déjà en ruine (1). Le troisième sanctuaire était l'église paroissiale qui n'était pas en meilleur état. L'archiprêtre, hi. le curé de Blanzy en rendit compte un jour à l'autorité, en ces termes : " L'église a pour patron Saint-Saturnin, martyr. Il y a quatre autels dont trois n'ont pour tout ornement qu'une méchante nappe chacun. Le tabernacle est tout despeint et sans pavillon à tapis. Elle a les cinq couleurs à la réserve, des devants d'autels noir, violet et verd. Il y a un calice, un ciboire, un soleil et un portatif d'argent ; les vaisseaux des saintes huiles sont d'estain. Il n'y a point de burettes, ni de plat pour l'autel. Il pleut dans la nef. Le prieur avait fait enlever, deux ans auparavant, des planches qui faisaient la voûte de l'église. Elle n'est point pavée, les murailles sont fendues en beaucoup d'endroits, les fonds baptismaux ne ferment pas à clef. L'église est enfermée dans le château. Il y a quatre cents communiants. Il n'y a point de confréries. On ne fait point de quête pour l'es nouveaux convertis. " (2)

Cette église en outre n'avait qu'un toit comme un appentis. Le choeur cependant se trouvait formé par une chapelle fort ancienne, de style roman, qui avait dû être la chapelle extérieure du couvent. Sa grande fenêtre du fond était trilobée ; c'était là qu'était monté le beffroi. Cette chapelle et cette nef étaient entourées d'un côté par la cour du château, de l'autre par une petite place, où on voyait près du porche, une tour carrée qui n'avait aucune destination (3). La place qui régnait au nord de l'église fut prise plus tard pour agrandir le cimetière et bénite solennellement par M. Dumont. (4)

 

(1) Mémoire de la visite faite dans les églises de l'archiprêtré de Blanzy. (Archives de l'évêché d'Autun.)

(2) Mémoire de la visite faite dans les églises de l'archiprêtré de Blanzy, (Archives de l'évêché d'Autun.)

(3) Plan de Saint-Sernin, 1749.(Archives de la commune.)

(4) Registres de la paroisse de Saint-Sernin. (Archives de la commune.)

 

A l'emplacement même de ce sanctuaire, qui, malgré les réparations de l'année précedente, finissait par tomber en ruine, Fénelon fit construire en 1767 l'église qui existe actuellement. Son goût, ses connaissances en fait d'architecture suivaient les erreurs de son temps: aussi voit-on dans cette construction, qui n'a pas changé depuis, des cintres de tous les styles.

Le jour qu'il choisit pour la bénédiction de sa nouvelle église fut précisément le jour de la fête du patron sous le vocable duquel elle se trouvait: la fête de saint Saturnin, le 29 novembre 1767. Les invitations avaient été nombreuses, sans doute, car c'était un événement pour la contrée que la bénédiction d'une église neuve, bâtie par un aumônier de la reine.

Mais la saison fort avancée, les voies de communication trop incomplètes à cette époque ne permiren à cette solennité qu'une modeste pompe. Outre le prieur et le curé, il n'y avait de présents que M. Bénigne Damoiseau, curé du Breuil et M. l'abbé Develle de Villette, vicaire général et official d'Autun, qui fut envoyé par l'autorité épiscopale, pour faire cette cérémonie. (1)

L'année suivante, il fallut que Féneton fit le choix d'un nouveau pasteur. Ce choix fut très heureux. En effet, M. André Dumont (2) devait être le digne coopérateur des bonnes oeuvres de son prieur; on peut dire même que, pendant de longues années, ils travaillèrent ensemble avec le même zèle au salut des âmes et à la régénération de la paroisse.

C'est surtout pendant la grande disette des trois malheureuses années que Fénelon fit pour son prieur‚ les plus généreux sacrifices. Il commença la distribution de ses largesses par son curé qui jusqu'à présent n'avait joui, comme ses

 

(1) Registres de la paroisse. (Archives de la commune.)

(2) Il avait vingt-cinq ans et sortait de Villaines-en-Duesmois. (Voir une note écrite de sa main sur le registre de 1768; arch. de la commune.)

 

prédécesseurs, que de la petite portion congrue de trois cents livres.

Ces questions d'intérêt, entre les seigneurs décimateurs et les pauvres desservants des paroisses, venaient d'être débattues en haut lieu, et on attendait chaque jour que le nouvel édit qui réglait toutes ces choses fût enregistré au parlement de Dijon, lorsque le prieur prit un engagement avec M. Dumont et tous ses successeurs. Il devait leur donner chaque année la somme de quatre cent quatre-vingts livres et vingt boisseaux de froment, puis payer toutes les décimes. (1)

C'était une amélioration sensible dans sa position; il avait en outre un vaste clos qui contenait près d'un hectare et demi de terrain. Plus tard le prieur lui alloua encore, mais personnellement, une pension de cinq cent soixante livres.

C'est à cette époque aussi qu'il fit à M. Rey, curé de Saint-Firmin, un supplément à sa portion congrue, en lui donnant le dixième du vin qu'il récoltait dans son vignoble de Chevroche. Mais cet ecclésiastique, trouvant peut-être que cet avantage était trop variable, ou que ce vin était de petite qualité, fit. avec Fénelon, le 12 juin 1779, une autre convention par-devant notaire, dans laquelle il se départit de ce dixième, moyennant la somme fixe de trente livres payables le il novembre de chaque année. (2)

Malgré la misère qui accablait ces contrées, Fénelon voulut ménager à sa paroisse une mission dont il fit coïncider la fin avec une visite de Mgr de Marboeuf, évêque d'Autun. Nous ne voulons pas faire la description de tous les préparatifs de cette belle journée (3) ; nous nous bornerons ici à transcrire la note que M. Dumont laissa sur les registres à cette occasion.

 

(1) Registre de la paroisse. Note de M. Dumont. (Archives de la commune de Saint-Sernin.)

(2) Étude de M Brugnot, notaire au Creusot, 12 juin 1779. (3) Il fait venir des reliques de Rome, terminé la construction de l'église et l'orne de boiseries et de dorures. (Registres de la paroisse ; archives de la commune.)

 

" La mission a été fameuse, tant par le concours du peuple que par le fruit que Dieu y a attaché. Elle a été faite par M. l'abbé de Fénelon, par M. Verdolet, curé d'Issy-l'Évêque, et par moi, prêtre indigne. (1).

Notre prieur prêcha encore d'autres missions dans les environs, à Montcenis (2), et à Ciry-le-Noble. (3)

Cependant le peuple était aux abois - deux années de suite de mauvaises récoltes avaient jeté la contrée dans une disette affreuse ; la misère était encore plus grande que précédemment parce que d'un côté, les maigres avances qu'on avait pu faire étaient totalement épuisées, de l'autre, les récoltes donnaient encore cette année peu d'espérance, de telle sorte que le seigle coûta jusqu'à six francs (4). Les hommes valides pouvaient seuls manger du pain, eux seuls trouvaient de l'ouvrage dans les exploitations de bois qui se faisaient chaque année. La verrerie de Prodhun et les forges de Mesvrin avaient besoin 'aussi d'un grand nombre d'ouvriers qui gagnaient pour le temps d'assez rondes journées.

Ceux qui étaient le plus à plaindre étaient les vieillards, les femmes et les enfants, ces êtres que l'on afflige du nom de bouches inutiles, lorsque dans des crises suprêmes on est obligé d'établir cette terrible balance de la production et de la consommation. Le prieur aurait pu les nourrir sans rien faire et cette charge lui incombait presque naturellement ; on le connaissait si bon et il avait déjà tant fait de bien (4) Fénelon, mû par une double charité, ne peut se résoudre à considérer personne comme inutile ou à charge. Il veut que tous travaillent *d" leurs forces et que les membres de chaque famille s'entraident à en supporter le poids. Il cherche en même

 

(1) Registre de la paroisse. Note de M. Dumont. (Arch. de la commune.)

(2) Registre de la paroisse de Montcenis. Acte de baptême du 22 mars 1754. (archives de cette ville.)

(3) Cahier de Mgr Devoucoux. (Archives du grand Séminaire.)

(4) Registre de la paroisse. Note de M. Dumont. (Arch. de la commune de Saint-Sernin)

 

temps le moyen de profiter de leur travail pour gratifier le pays d'un chemin facile et commode à l'importation des denrées dont le besoin se faisait sentir, et surtout à l'exportation des richesses de ces montagnes qu'il avait commencé à deviner et à exploiter de concert avec M. de la Chaize, concessionnaire des mines de Montcenis. (1)

L'idée de protéger l'agriculture a dû être pour le prieur, le rêve préféré de son séjour à Saint-Sernin. L'agriculture est la véritable richesse d'un pays et ces malheureuses années devaient lui faire comprendre la force de cette vérité. Son parent, témoin, sous Louis XIV, des désastres que la guerre de Flandre avait attirés sur le royaume, écrivait au due de Chevreuse après plusieurs conseils : " Il s'agit encore de rendre au dedans, du pain aux peuples moribonds, de rétablir l'agriculture et le Commerce (2) " Mais dans une région aussi accidentée que celle de Saint-Sernin, que pouvait-il faire pour l'encourager ? La terre est couverte de rochers et de pierres bien plus que dans tout autre sol granitique, avec des pentes tellement rapides qu'il est presque impossible d'y apporter quelque amélioration, sans risquer de voir à la première averse tout son travail entraîné au fond des gorges, et suivre sans remède l'eau des torrents. Force était donc pour lui de diriger au moins en partie ses vues d'un autre côté, c'est-à-dire vers 1'industrie et le commerce qui allaient bientôt devenir presque la seule ressource de cette partie de l'Autunois.

D'ailleurs pourquoi aurait-on essayé de faire produire au pays un surplus dont il lui aurait été difficile de se débarrasser ? Aucune communication n'était ouverte avec les deux principaux centres. de commerce, Autun et Couches. C'était donc vraiment par là qu'il fallait commencer toute amélioration agricole et industrielle. Ouvrir une voie commode pour l'importation dans les moments de disette, d'exportation dans les

 

(1) Archives de M. Harold de Fontenay, d'Autun.

(2) Le christianisme présenté aux hommes du monde, t. IV, p. 266 ; M. l'abbé Dupanloup ; Paris, 1837.

 

temps rares de surabondance, et faciliter des échanges et des transports en tout temps. Telle fut la première pensée de Fénelon pour occuper tous les bras inutiles de son prieuré.

Autun lui offrait dans ce dessein des avantages sérieux à cause de son importance, mais cette ville est éloignée de quatre grandes lieues, séparée de Saint-Sernin par des bois interminables, des combes profondes et des ravins dangereux.

Couches lui procurait un résultat plus modeste, mais cette ville est moins éloignée de près d'un tiers. Il y avait peu de bois à traverser et des côtes moins rapides à franchir. Il se tenait aussi dans cette ville, chaque semaine, un gros marché (1) où tous pourraient s'approvisionner abondamment, ou bien mener leurs denrées sans courir le danger de les livrer à porte. Il passait en outre, à Couches, à peu près à égale distance d'Autun et de Chalon, la route royale qui était alors d'une grande importance et qui pouvait ouvrir un débouché avantageux aux houilles de Montcenis. M. de la Chaize dans un de ses mémoires n'oublie pas de mentionner ce dernier détail, comme nous le verrons (2). C'est donc vers Couches définitivement qu'il tourne tous ses plans. Le voilà agent-voyer, faisant des rectifications au mauvais sentier qui existait déjà, dirigeant la construction des ponts et l'élévation des chaussées. On pourrait dire de lui dans sa petite sphère ce que l'on disait de Sully, le ministre de Henri IV : " Il descend aux moindres détails même des champs, et s'applique à mériter ce titre de grand voyer qu'il porta le premier en France. "

Il a invité tout le pays à venir prendre part au travail. Tous à l'envie surtout les vieillards, les femmes et les enfants ont accouru à sa voix et travaillent avec ardeur (3); les uns tirent de la pierre, d'autres la charrient, d'autres enfin l'encaissent

 

(1) Sommaire de saône-et-Loire, 1856. Voyez Couchés.

(2) Mémoire à consulter pour M. François de la Chaize, avocat au parlement 22 août 1771, p. 17. (Archives de M. Harold de Fontenay, Autun.)

(3)  historique de l'abbé de Fénelon J. G. (Bibliothèque nationale, Paris)

 

solidement. Les jours de paye, tous arrivaient au château recevoir le prix de leurs peines. Les femmes, mères de famille, étaient impatientes de rapporter à la maison de quoi nourrir leurs plus jeunes enfants, qu'elles avaient laissés pendant de longues heures. Le vieillard, dans la décrépitude de l'âge, tendait au prieur un bras faible et tremblant qui, depuis longtemps peut-être, n'était plus accoutumé ni au travail, ni au salaire. Les bandes joyeuses d'enfants, dont les uns n'avaient pas plus de six ans, se pressaient autour de ce père et lui tendaient leurs mains salies par le travail pour recevoir à qui le premier les quelques deniers de la semaine. On payait même ceux qui n'avaient apporté au chantier aucun outil pour -travailler. Travail de fourmis, nous direz-vous; mais qu'importe, le chemin s'est construit, et chacun, même le plus petit, fier de sa journée, mangeait chaque soir avec bonheur le pain qui coûtait cher et qu'il avait gagné. Cette route, mal entretenue aujourd'hui, est toujours la seule bien directe qui existe entre Saint-Sernia et Couches, et porte encore le nom de chemin du Prieur.

Depuis le mois de mai, les greniers, voyant diminuer leurs provisions, ne s'ouvraient qu'avec une trop sage parcimonie et ne livraient leurs grains qu'à raison de sept livres dix sols. (1)

Le ministre alarmé crut devoir prendre des mesures de prévoyance; il envoya donc à Autun une grande quantité de blé qui venait du magasin de Corbeil 2. Cet envoi, quelque considérable qu'il ait été, ne suffisait pas pour combler le déficit et faire revenir le pain à un prix raisonnable. C'est pourquoi notre prieur, à bout de ressources, dans un besoin aussi extrême, envoya, vèndre son argenterie à Paris pour acheter une provision de riz qui était destinée aux plus nécessiteux 3, puis il

 

(1) Registres de la paroisse; note dg M. Dumont. (Archives de la commune de Saint-Sernin-du-Bois.)

(2) Mômes documents.

(3) Souvenir de Mlle Cécile Douhèret de Montcenis, âgés de quatre-vingtquatre ans, fille du notaire de M. de Fénelon.

 

continua la route du côté de Montcenis pour atteindre les merveilleuses mines que M. François de la Chaize faisait ouvrir au milieu de mille contestations et de contrariétés intempestives et aveugles (1). Mais Fénelon fut interrompu dans l'achèvement de ce travail, car il laissa la voie à moitié de la distance. Courtépée nous apprend qu'il fit aussi payer plusieurs chemins fineraux (2). Malgré la profonde misère qui régnait depuis trois longues années, la population à Saint - Sernin, grâce aux aumônes du prieur, eut peu à souffrir. Les morts n'y ont pas été en plus grand nombre, les naissances suivirent leur cours habituel. (3)

Notre prieur, outre un jeune frère Jean-Baptiste, prieur de Resson, qui reposait depuis 1769 aux tombeaux de ses parents, en avait un autre qui le précédait en âge d'une année seulement. Engagé aussi dans l'état ecclésiastique, il avait reçu, dix ans après son entrée dans les ordres, le titre de chanoine de Cambrai en considération de ses propres vertus(4) et aussi par respect pour le grand nom qu'il portait.

Messire Henri de Salignac - Fénelon avait été nommé, comme J.-B.-Augustin, à un modeste prieuré dans cette partie du Poitou qui forme aujourd'hui le département de la Vienne. Il était prieur de Saint - Romain - en - Châtellerau IL Ce prieuré de peu d'importance relevait de l'abbaye de Sainte-Croix- de Poitiers (5). Aujourd'hui il n'en reste plus aucune trace. La révolution a tout détruit, le monastère et l'église, La paroisse qui porte actuellement le nom de Saint- Romain-sur- Vienne n'a même jamais eu aucun rapport avec cet ancien couvent. C'est ce prieur qui avait donné à la paroisse de Saint-Sernin, lors de la visite épiscopale, un ostensoir perdu depuis dans les troubles de la révolution.

 

(1) Mémoire de M. de la Chaize. (Arch. de M. Harold de Fontenay, Autun.)

(2) Description générale et particulière du duché de Bourgogne.

(3) Voir les registres de la paroisse. (Arch. de la commune de Saint- Sernin du-Bois.)

(4) Voir aux pièces justificatives son titre canonique.

(5) Communication de M. le curé de Saint-Romain- sur- Vienne.

 

Ces deux frères, à pou près du môme âge, ayant tous deux renoncé au monde pour mener une vie humble et cachée au milieu des gens de la campagne, semblaient attirés l'un vers l'autre par une grande similitude de position et de caractère. Nous ne savons si leurs rapports furent bien fréquents, mais c'est dans un des voyages que M. Henri de Salignac entreprit pour venir voir son frère qu'il tomba malade à Autun. Les voyages étaient alors longs et pénibles, et la saison qu'il avait choisie n'était nullement favorable pour traverser les âpres montagnes du Morvan. À son âge, il avait cinquante-neuf ans, toutes ces circonstances nuisirent tellement à sa santé qu'il se vit obligé d'aller demander l'hospitalité au grand Séminaire (1). Il trouva là les soins empressés que réclamait sa position. La petite compagnie de M. Olier avait déjà depuis près d'un siècle la direction de cette maison (2). Or nous savons tous assez avec quel culte cette humble société conserve les bonnes traditions de charité fraternelle qu'elle a reçues de son vénérable fondateur, pour qu'i[nous soit inutile, de dire que rien ne lui, manqua dans cette franche et cordiale hospitalité. L'archevêque de Cambrai avait dit : Je ne connais rien de plus apostolique et de plus vénérable que Saint-Sulpice (3); ses neveux auraient pu ajouter quelque temps après lui : Nous ne connaissons rien de plus fraternel.

Mais malgré les soins prévenants et affectueux, la maladie faisait des progrès alarmants. Le prieur, sans doute prévenu en toute hâte, arriva pour recueillir son dernier soupir. Son frère avait reçu les sacrements avec des sentiments de foi et de piété qui édifièrent toute la maison (4). Son épitaphe porte qu'il est mort en odeur d'une très 'grande piété. Saint prêtre, il avait peut-être désiré et demandé à Dieu la grâce de mourir dans

 

(1) Registre de la paroisse. (Archives de la commune.)

(2) Depuis 1680. (Rituel d'Autun, 1831.)

(3) Le christianisme présenté aux hommes du monde, par Fénelon. (M. l'abbé Dupanloup. Préface, p. xxxvi.)

(4) Registres de la paroisse. (Archives de la commune.)

 

un de ces asiles où toutes les vertus fleurissent comme dans leur climat naturel ; Dieu l'avait exaucé. Qui de nous, élèves du sanctuaire, n'a pas formé, au moins une fois dans sa vie de séminaire, le même désir !

Le lendemain 16 février 1772 eut lien le convoi funèbre (1). Notre prieur voulut avoir près de lui ses dépouilles mortelles qui avaient acquis à ses yeux un double prix par le reflet de sainteté que la mort venait d'y fixer pour toujours. C'est donc vers Saint- Sernin que va s'acheminer le cortège. M. de Rochebrune, procureur du grand Séminaire, fut délégué par son supérieur pour accompagner les deux frères dans ce triste voyage. La nature, à cette époque de l'année, n'avait pas encore rejeté son manteau d'hiver et les bois qu'ils devaient traverser, dépouillés de leur parure, faisaient écho par leur nudité et leur silence même aux pensées de deuil qui occupaient les âmes. C'est au milieu de cette nature agreste et sauvage, dans le moment peut-être le plus triste de l'année, en présence de Dieu "ni, que se fit le transfert solennel du cercueil d'une paroisse à l'autre. M. Dumont vint sur les limites de sa juridiction le recevoir des mains du curé de Saint - Pancrace, M. Roché, qui avait fait lui-même la levée du corps au palais épiscopal du Séminaire. (2)

Arrivés à destination, une nombreuse assistance de tous les ecclésiastiques des environs les attendait pour rendre au mort

 

(1) Registres de la paroisse. (Archives de la commune.)

(2) Extrait des registres de sépulture de la paroisse de Saint-Pancrace et de Saint-Jean-de-la-Grotte a Autun pour l'année 1772. " Le seize février mil sept cent soixante douze messire Henri de Salignac - Fénelon, prêtre ; prieur ancien de Saint-Romain et chanoine de l'église de Cambray, muni des sacrements, et décédé la veille -à l'âge de cinquante sept ans environ, a été transféré en l'église paroissiale de Saint-Sernin-du-Bois après la levée du corps que nous avons faite au palais épiscopal du Séminaire, au sortir duquel nous l'avons remis hors des limites de notre paroisse à M. la curé de Saint-Sernin qui s'est avec nous soussigné. " Signé ROCHE, curé. " DUMONT, Curé de Saint-Sernin-du-Bois. " (Archives de la ville d'Autun).

 

les derniers honneurs : c'étaient MM. Damoiseau, curé du Breuil ; Bauzon, curé de Varenne ; Compin, curé de Saint-Émiland ; Rey, curé de Saint-Firmin ; Girot, chapelain de Montcenis ; Pautes, vicaire de la même ville, et Morlet, directeur des religieuses.

Ce fut M. Dumont qui, malgré son voyage, voulut officier encore ce jour-là. Après la cérémonie, le cercueil fut descendu dans le caveau creusé derrière le maître-autel. On le renferma dans un mur qui monte jusqu'à la voûte de. cet étroit réduit et on y fixa une plaque de cuivre portant la même inscription que le marbre en forme de dalle qui ferme l'entrée de l'escalier (1). Cette inscription est ainsi conçue : " Cy gist Messire Henry de Salignac de Fénelon, prêtre, ancien chanoine de Cambray, prieur de Saint -Romain -de -Châtellerault, né le 23 juillet 1713 au château de la Poncie en Périgord, et mort en odeur de très grande piété ce 15 février 1772. Requiescat in pace. Amen. " (2)

Singulière destinée de ces deux frères ! l'un après avoir rempli le monde de ses bonnes oeuvres n'a pas seulement une tombe pour protéger ses restes bénis au milieu de ceux qu'il a aimés. Son corps a été consumé sous les couches de chaux des fosses de la révolution. L'autre sans laisser de trace nulle part, est tombé sur une terre étrangère et la pierre qui le recouvre est là, comme une feuille détachée de nos forêts qui s'en va poussée par les vents jusqu'au moment où elle trouve un abri contre leur fureur. Son nom n'est resté ni dans le lieu de sa naissance, au château de la Poncie, qui appartient maintenant à des indifférents (3), ni aux archives de Cambrai (4), ni même au prieuré de Saint-Romain dont il ne reste plus pierre sur pierre (5). Ni l'un ni l'autre, après une longue carrière, ne

 

(1) Registres de la paroisse, note de M. Dumont. (Archives de la commune de saint-sernin.)

(2) Dalle au pied du maître-autel. (Eglise de Saint-Sernin.)

(3) Communication de M. le curé de Saint-Jean-d'Estissac.

(4) Communication de M. l'archiviste de l'archevêché de Cambrai.

(5) Communication de M. le curé de Saint-Romain-sur-Vienne.

 

devait vieillir au foyer paternel, ni reposer sur la terre natale selon les habitudes de presque tous les grands bommes de cette province. En effet, comme toutes les provinces où S'était maintenue l'inégalité des partages, le. Périgord avait l'antique coutume d'envoyer une partie de ses fils chercher fortune au dehors. Les emplois dans l'armée, les bénéfices ecclésiastiques, les charges de judicature ou de finances ouvraient leurs largesses à une foule de familles bourgeoises on titrées. Une émigration incessante peuplait Paris et la province de ces enfants du midi qui, pleins de vivacité et d'adresse, se pressaient aux avenues du pouvoir, y pénétraient en s'entraidant l'un l'autre, et souvent dans leurs vieux jours rapportaient au foyer natal quelque fortune amassée, un blason conquis, l'élégance du monde et de la cour(1). Mais pour ces deux petits neveux du grand Fénelon, à vingt-deux ans de distance, ce fut la terre étrangère qui vit leurs derniers instants et qui recouvre encore leurs restes, illustrés les uns par la piété, les autres par le martyre.

La perte de ce frère fut sensible au coeur de Fénelon. Il passa plusieurs années de deuil dans la plus grande solitude. Cependant bien des occasions de bienséance et de politesse l'invitèrent souvent à faire diversion à ses tristes pensées.

Jusqu'à présent nous n'avons considéré Fénelon que comme prêtre pieux et bienfaisant. Nous l'avons vu aussi puissant seigneur s'occuper avec sollicitude du bonheur de ses vassaux et protéger l'agriculture en faisant ouvrir des chemins ferrés sur tm W points de son humble prieuré. Aujourd'hui, il se révèle à nous sous un aspect tout nouveau, c'est-à-dire comme industriel. Oui, cet ecclésiastique bon et tendre fut un des premiers qui devina et qui comprit la richesse houillère de nos obscures vallées. Il fut le précurseur de ces hommes qui mettant à profit les nouvelles découvertes de la science réussirent avec une intelligence supérieure à former ce contre industriel, le plus

 

(1) Oeuvres de Joubert, p. IX. (Paul de Raynal.)

 

beau de la France et le plus complet du monde entier. Le Creusot, cet établissement de plus en plus florissant, cette ville bâtie comme par enchantement au bord d'un gouffre noir, n'était composé, à l'époque où nous voulons remonter, c'est-à-dire en 1766, que de quelques masures perdues dans un ravin étroit et profond. On l'appelait modestement la Charbonnière (1) à cause des affleurements de charbon de terre qu'on y rencontrait.

Ce charbon éprouvé sur place d'abord, étudié ensuite sur l'ordre du ministre par les directeurs d'arsenaux, avait été trouvé de la meilleure qualité. Il avait été connu et exploité dès la plus haute antiquité, mais avec si peu d'intelligence qu'en 1760 on croyait la mine épuisée et que les mineurs vivaient dans la -plus grande misère. (2)

Les mines de charbon de terre, situées au village du Creusot, paroisse du Breuil, étaient depuis des siècles abandonnées à des précaires qui, au moyen d'une rétribution très modique qu'ils donnaient aux propriétaires des terrains qui couvraient les mines, les avaient jardinées et dégradées au point que le publie ne s'était jamais aperçu des avantages de cette découverte, que ces particuliers avaient péri pour la plupart sous les rochers qu'ils avaient ébranlés et que ceux qui avaient échappé au danger étaient restés dans leur état misérable. Ces faits sont trop notoires pour que personne ose les contredire(3). Les précaires qui y travaillaient ne se hasardaient plus de sang-froid à descendre dans les creux ; il fallait que les maréchaux les fissent boire plus ou moins en raison du besoin de charbon qu'ils avaient, en sorte que souvent il arrivait qu'indépendam-

 

(1). Il y avait un endroit appelé aussi Crozot depuis très longtemps. (voir une charte de 1253, tirée des archives de Dijon, offerte à la Société Éduenne et citée dans l'Almanach du Creusot, 1875, p. 3.)

(2) Mémoires divers de M. de la Chaize. (Archives de M. Harold de Fontenay, Autun.)

(3) Mémoire à consulter pour M. François de la Chaize, avocat au parlement, 12 août 1771, p. 2. (Arch. de M. H. de Fontenay, Autun.)

 

ment des frais de voiture, toujours très chers dans un pays isolé, sans communications, ni débouchés, ces maréchaux payaient jusqu'à six livres un tonneau de charbon. (1)

Les habitants de Saint-Sernin qui trouvaient à peine de quoi vivre dans leurs terres se laissaient facilement attirer. dans ces mines par un mince salaire (2). Il en résultait pour, ces malheureux une double gêne. Leurs terres dont il fallait payer la dîme et les impôts étaient négligées, et eux-mêmes, avec beaucoup de fatigues et de dangers dans ce travail obscur, gagnaient à peine de quoi payer leur pain de chaque jour et leur misérable entretien.

Fénelon jugea dès le commencement que la contrée et le monde pouvaient tirer un meilleur parti de ces richesses. Mais n'étant propriétaire d'aucun gisement de charbon, il ne pouvait prêter qu'un concours éloigné à toutes les entreprises qui tendaient à améliorer et l'état de. ces mines et surtout, ce qui le touchait davantage, la condition des mineurs. Il le fit avec force et intelligence. Sa route et les forges que nous allons lui voir établir étaient déjà de puissants moyens, mais ce qui lui valut principalement un titre à la reconnaissance de cette branche de l'industrie, c'est qu'il réussit à terminer à l'amiable certains différends très sérieux qui allaient faire échouer les meilleures intentions.

En 1760, M. François de la Chaize était seigneur engagiste de la terre de Montcenis, où il avait d'ailleurs des propriétés privées d'une assez grande étendue. Il était un de ces hommes rares qui, comme Fénelon, cherchait avec générosité le bien de ses compatriotes par des améliorations locales. Or, pour tirer le pays de la pauvreté où l'avait condamné jusque-là la stérilité de son sol, il ne trouva de ressources que dans

 

(1) Mémoire à consulter pour M. François de la Chaize, avocat au parlement, 12 août 1771, p. 2. (Arch. de M. H. de Fontenay, Autun.)

(2). Mémoire sur l'utilité de l'exploitation des mines de charbon de terre de Montcenis pour être présenté aux élus généraux de la province de Bourgogne ; décembre 1768. (Arch. de M. H. de Fontenay, Autun.)

 

l'exploitation en grand des charbons qu'il contenait. Il s'assura d'abord que le dépôt de houille plongeait à une très grande profondeur ; puis il consacra sa fortune et celle de son épouse à une extraction faite suivant les règles de l'art peu avancé à cette époque.

Cette généreuse entreprise souleva aussitôt les réclamations de la part de plusieurs seigneurs et propriétaires des environs (1) et surtout de la famille Dubois qui possédait une terre considérable sur ces gisements et qui, pour cela, croyait avoir le droit de creuser des puits pour extraire le charbon. M. de la Chaize de son côté faisait valoir, pour arrêter ces travaux intempestifs, la concession qu'il avait obtenue du roi. Les réclamations de part et d'autre avaient été très loin et traînaient les travaux en longueur, lorsque Fénelon, qui était en partie seigneur des Dubois, fut pris pour arbitre du différend. (2)

Notre prieur, malgré ses grandes occupations, travailla aussitôt à une conciliation et obtint en dernier lieu des Dubois qu'ils s'en remettraient à une décision du ministre quelle qu'elle pût être. Il écrivit donc immédiatement à M. Bertin, ministre de la maison du roi, en lui soumettant toutes les difficultés. Aussitôt qu'il en eut une réponse, il l'envoya à M. de la Chaize avec ce billet plein de simplicité et de délicatesse " St-Cernin, le 27 juin 1769.

" Je vous envoye, Monsieur, une copie exacte de la réponce que j'ay reçue du ministre, je n'en feray part aux Dubois que quand j'auray reçu votre réponce ; je spis dans les foin jusque au col et je n'ay que le temps de vous renouveler la protestation très sincère de. l'attachement avec lequel je suis, Monsieur,, votre très humble et obéissant cerviteur. (3) " FÉNELON. "

 

(1) Voir les opposants dans le mémoire à consulter pour M. F. de la Chaize, 12 août : 1771, p. 18. (Arch. de M. H. de Fontenay, Autun.)

(2) Même document.

(3) Lettre autographe. (Archives de M. Harold de Fontenay, Autun.)

 

Suivait sur la même feuille la copie de la lettre de M. Bertin, ministre et secrétaire d'État, à M. l'abbé de Fénelon. Elle était favorable et juste.

A Marly, le 19 juin 1769.

 

" J'ay vu, Monsieur, par la lettre que vous m'avés fait l'honneur de m'écrire, le 12 de ce mois, la difficulté qui s'est élevée entre cinq particuliers du vilage des Charbonnières et M. Delachaize pour l'exploitation de leur mine de charbon qui se trouve empêchés par l'arrêt de concession du 27 mars dernier, quoique par le titre du terrier de Montcenis dont ils rapportent la teneur, et qu'ils ont reconnu en 1610, ils tiennent leur mine à la charge de donner le tier de la traite du charbon au seigneur de Montcenis ; vous me marqués, Monsieur, que ces particuliers et M. Delachaize s'en rapporteront à ma décision sur quoy il me parait constant que, par l'arrêt de 1744, le roy s'étant réservé de donner les permissions à ceux qui devroit exploiter régulièrement les mines de charbon afin d'obvier aux inconvenients des mauvaises exploitations, qui devenoit peu à peu impossibles, et metait la vie des travailleurs en danger. M. Delachaize ayant obtenu cette permission exclusive sur le compte qui a été rendu au roy des dépenses considérables qu'il avait fait pour faire exploiter les mines de Montcenis régulièrement, il doit être maintenu dans son privilège, car s'il était libre à ses voisins de croiser ses travaux, le désordre auquel on a voulu pourvoir recommencerait, et M. Delachaize serait forcé de renoncer à son exploitation puisque ses fosses étant percées à, une plus grande profondeur, dont il épuise les eaux, il attirerait nécessairement toutes celles des petites exploitations voisines, qui profiteraient de son travail en l'inondant ; mais il est juste que M. Delachaize indemnise les habitants des Charbonnières du droit que ses auteurs leur ont donné par le terrier de 1610, d'extraire du charbon ; ce qu'il est aisé d'évaluer par une estimation amiable de la quantité de charbon. que cette exploitation pourroit produire aux habitants il faut en déduire le tier pour la redevance due au seigneur suivant. Le terrier; un autre tier pour les frais de l'exploitation, le tier restant sera à peu près la somme de l'indemnité dont M. Delachaize pourra convenir avec eux. Ce dédommagement, au reste, n'a rien de commun avec les indemnités qui sont dues aux particuliers dont les travaux de M. Delachaize endommageraient la superficie ou le fond du terrain et qu'il doit payer aux termes de son arrêt et suivant les ordonnances qui les prescrivent expressément. J'ay l'honneur d'être avec un sincère et parfait attachement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

" BERTIN. "

 

La réponse et les renseignements de, M. de la Chaize ne se firent pas attendre. Fénelon, le lendemain même, reçut cette lettre :

 

" MONSIEUR,"

Je viens de recevoir la copie que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser de la réponse de M. Bertin; je ne puis ny ne dois, Monsieur, me plaindre d'une décision aussy sage qu'elle est respectable pour moy. Je ne pense pas que les Dubois y trouvent rien de contraire à leurs intérêts; je prendrai donc, le party, Monsieur, avant que de m'imiscer dans le champ des Dubois de les inviter de nommer amiablement s'ils le jugent à propos un expers connaisseur en mines qui, avec celuy que je nommerai alors, réglera le dédommagement que je, devray leur faire et par ce moyen, nous n'aurons plus de difficulté.

Je ne puis trop me louer, Monsieur, de votre attention et de vos procédés, je vous prie d'en recevoir mes remercîments et d'agréer les nouvelles assurances de la reconnaissance et du respect infinis avec lesquels j'ai l'honneur, etc., etc. " (1)

L'affaire fut donc terminée pour quelque temps et l'exploitation reprit son activité. M. de la Chaize regarda dès lors

 

(1). Archives de M. Harold de Fontenay, Autun.

 

M. l'abbé de Fénelon comme un protecteur, et dans le mémoire qu'il publia en 1771 pour défendre ses travaux et faire valoir ses services, il sut rendre justice à son intelligence et à sa bonté : (1)

" Mon droit serait encore ignoré si les nommés Dubois, travaillant comme ouvriers à mon exploitation ne se fassent avisés d'abandonner mes travaux, de débaucher une partie de mes ouvriers et d'entreprendre au péril de leur vie de renouveler au-dessus de mes galeries un ancien puits. Une entreprise aussi téméraire me détermina à faire notifier à ces particuliers mon arrêt de concession ; ils se consultèrent et remirent ensuite leur défense entre les mains de M. l'abbé de Fénelon dont ils étaient en partie les vassaux. Ce seigneur fit valoir leurs moyens auprès de M. Bertin et sur, les réponses que lui fit le ministre, M. de Fénelon me condamna à donner aux Dubois un dédommagement annuel de quinze livres, à quoi ceux-ci bornaient alors toutes leurs prétentions, au moyen de quoi ils renonceraient en ma faveur au droit qu'ils prétendaient sur les mines de charbon du Creuzot. Mais je fis plus que les Dubois ne désiraient de moi; je les repris comme ouvriers et je leur fis par-devant notaire, le 4 juillet 1769, un dédommagement de cinquante livres, remboursables par mille livres au moyen duquel ils se départirent seulement en ma faveur du droit d'extraire les charbons qui pourraient se trouver dans leurs héritages, sans renoncer à la propriété de ces mômes héritages ni au droit de les cultiver comme ils avaient fait jusqu'alors. " (2)

Plus loin il ajoute encore: " Tout le monde sait que M. l'abbé de Fénelon dont la terre très étendue joint mon exploitation et est par conséquent englobée dans mon arrondissement,

 

(1) Il est donc injuste de répéter que le clergé de cette époque a été peu sympathique en général à l'industrie. (Voir la France sous Louis XV, par Alphonse Johez, t. 111, p. 395 ; Paris, Didier.)

(2) Mémoire cité plus haut, p. 14 (Arch. de M. H. de Fontenay.)

 

sans cesse occupé du bien publie, a si bien reconnu les avantages de cette entreprise, que bien loin de la critiquer il a sollicité et obtenu de MM. les élus la permission d'ouvrir à ses frais une communication de ma mine à Saint-Sernin et de la continuer dans l'étendue de plus de deux lieues jusqu'à la jonction du grand chemin de Chalon à Autun passant par Couches. " (1)

Mais il ne suffisait pas à Fénelon de protéger l'extraction et la traite des charbons de terre, ni même de rappeler et de souligner à M. de la Chaize qu'il entendait, selon l'expression du ministre, que ces travaux se feraient régulièrement et par conséquent en ménageant la santé et la vie des pauvres mineurs, il fallait encore qu'il tirât pour Saint-Sernin même quelque profit plus direct de ces précieuses découvertes, qui venaient naturellement suppléer à l'ingratitude du sol. C'est pourquoi il établit d'abord une forge (2) dans une de ses propriétés appelée le Mesvrin, puis quelques années après un fourneau à Bouvier. Il avait attiré une compagnie d'ouvriers spéciaux (3) afin d'être sûr de réussir dans une entreprise aussi hasardeuse. Cet essai prospéra, et il eut le bonheur de voir tourner dès 1782 dans sa petite forge, sous la direction du célèbre Wilkinson, le premier laminoir de la contrée (4). Ainsi ces deux hommes, M. de la Chaize et M. l'abbé de Fénelon, mûs par les mêmes motifs, sans prévoir peut-être toute la portée de leurs premiers efforts, commençaient à s'entendre

 

(1) Mémoire cité plus haut, p. 17. (Archives de M. H. de Fontenay.)

(2) Le premier traité de concession de la propriété de Mesvrin pour forges date du 10 juillet 1763. (Inventaire des papiers du prieuré ; art. 6 ; arch. de la ville d'Autun.)

(3) Eloge historique de M. l'abbé de Fénelon. (Bibliothèque nationale.)

(4) La cylindre, remarqué par M. Joseph de Fontenay portant 1782 et le nom de Wilkison et qui est conservé au Creusot, ne peut être que le premier laminoir de Mesvrin. Car au 23 floréal an X (1802) il n'y avait encore an Creusot qu'une fonderie et point de laminoir. (Voir les affiches apposées dans les rues de Paris pour la vente de ces établissements, au 23 floréal an X. (Arch. de M. H. de Fontenay, Autun.)

 

et à se compléter. L'un extrayait des charbons de choix, l'autre établissait près de là des forges, des fourneaux et des laminoirs, jusqu'à ce que Louis XVI, dans ses désirs et son intelligence, devançant ces temps moins prospères, cherchât à réunir sous une même direction ces deux exploitations qui devaient plus tard se fondre en un seul établissement. C’est dans cette vue que ce monarque envoya, en 1781, au village des Charbonnières, M. François-Ignace Wendel d'Hayange, ancien capitaine d'artillerie, avec de puissants capitaux; et qu'en 1785, à Mesvrin, il revêtit de son autorité M. Chardon, le nouvel acquéreur de ces forges.

L'emplacement où Fénelon avait fondé cet établissement était très bien choisi, relativement peu éloigné des gisements de houilles et offrait en outre le précieux avantage pour cette époque d'une chute d'eau assez puissante pour donner le mouvement à un marteau mécanique et aux premiers cylindres d'un laminoir.

Cette belle industrie métallurgique dans ses modestes commencements était dans une position peu favorable à son développement. Aujourd'hui nous admirons, volontiers sans regarder en arrière et sans tenir compte des efforts oubliés des premiers industriels, ce magnifique ensemble du Creusot. Nous aimons à contempler du haut de la montagne ces nombreuses locomotives qui apportent sans peine à chaque instant du jour une quantité immense de charbon et de minerai, matières premières qui sortent des ateliers quelques semaines après en admirables machines pour prendre leur vol aux quatre coins du monde.

Grâce à la vapeur, les distances ont disparu, les transports se font facilement, et les moteurs les plus puissants sont mis au service de l'industrie. Mais à cette époque la force de la vapeur n'était pas encore appliquée aux machines. On n'avait à sa disposition que trois moyens pour produire le mouvement: le vent, les animaux ou les chutes d'eau. Le premier n'était ni assez fort, ni assez régulier pour servir à laminer le fer; le second était trop dispendieux, surtout lorsqu'il fallait obtenir une force de cinq à six cents chevaux. Le troisième était donc le seul praticable, mais il laissait subsister encore deux grandes difficultés; la première c'est que les cours d'eau et les écluses sont souvent séparés du charbon par un trajet pénible de plusieurs heures. Telle était la situation des forges du Mesvrin; les chevaux, les boeufs et les mulets étaient les seuls moyens de transport; la seconde est que même dans les rivières comme le Mesvrin, l'eau manque l'été et quand le lingot de fonte s'arrêtait dans le laminoir au milieu de sa course, travail et ouvriers, tout était obligé de chômer. Le fermier de l'usine, pour ne pas perdre ses hommes et les avoir sous la main au besoin, avait coutume de les employer à la culture des terres qui avoisinaient l'étang et le cours d'eau. Cependant, malgré tous ces inconvénients, les forges de Mesvrin eurent leurs jours de vogue et de splendeur. Leurs produits furent longtemps estimés de préférence à bien d'autres. On les vit même fonctionner plusieurs années après que la vapeur, prenant sa place dans l'industrie comme force motrice, permit d'établir des forges sur les lieux mêmes des précieux gisements de houille. (1)

Fénelon, après avoir conçu ce projet, après l'avoir exécuté, n'en resta pas là. Il voulut contribuer à la prospérité de ce petit centre de travail. Il abandonna, aux maîtres de forges (2) qu'il avait fait venir et qu'il avait installés, le produit de l'étang qui leur donnait ses eaux et qui comptait avec ses dépendances, nous l'avons dit, cent quarante-deux journaux (3) de superficie. Or, comme cette propriété faisait partie des biens du prieuré, elle ne pouvait pas être aliénée définitivement. C'est pourquoi notre prieur n'en put céder que l'usufruit

 

(1) En 1874, il n'y avait qu'une trentaine d'années que le matériel de ces forges avait été transporté au Creusot ;

(2). Éloge historique de M. l'abbé de Fénelon, J. G. (Bibliotbèque nationale, Paris.)

(3). Plan du terrier de Saint-Sernin, 1749. (Archives de la commune.)

 

moyennant une redevance annuelle de quatre cents livres pour le cours d'eau, huit cents boisseaux de seigle avec deux cents belles carpes et leur garniture, et enfin un millier de fer marchand pour les droits d'établissement et les revenus des autres terres (1) qui se trouvaient forcément comprises dans cette concession. Ces redevances, quelque lourdes qu'elles puissent nous paraître, n'étaient rien en comparaison des avantages inappréciables que le prieur faisait en se privant de la plus fertile de ses propriétés et en chargeant le cours du Mesvrin d'une longue servitude.

Ce qui entravait encore, au commencement du moins, le progrès de cet établissement, c'est qu'il n'y avait pas sur les lieux mêmes de hauts-fourneaux pour obtenir la fonte. On la recevait d'ailleurs, de Perrecy, sans doute, et l'achat et le transport diminuaient d'autant le bénéfice que l'on pouvait réaliser.

Pour se procurer un haut-fourneau sur placé, il fallait trouver une autre chute d'eau, et mouvoir par elle un ventilateur assez puissant pour élever et soutenir un degré de chaleur capable de mettre le minerai en fusion. Or, à quelque distance du Mesvrin, le prieur avait, à l'empellement de l'étang neuf, sur un cours d'eau moins fort que le précédent, un endroit très propice à cette construction. Il ne balança pas un instant ; dès qu'il out entrevu cette amélioration, il fit aux maîtres des forges de Mesvrin une nouvelle concession au prix de trente livres de rente annuelle, et le fourneau élevé en 1771 fut béni le quatre avril de l'année suivante (2). Chauffé avec le charbon de bois qui descendait en abondance des immenses forêts d'alentour, ce fourneau put livrer aux forges de Mesvrin de la fonte de première qualité, avec un

 

(1) Bail à ferme par M. l'abbé de Fénelon au sieur Nicolas Bard, 13 août 1786, art. 5, 10 et 11 et inventaire des papiers du prieuré de Saint-Sernin, art. 6. (Arch. de la ville d'Autun.)

(2) Registres de la paroisse, note de M. Dumont. (Archives de la commune de Saint-Sernin.)

 

- 47 – à suivre la mise en forme ici

 

avantage très appréciable sur le prix de l'achat et surtout sur le transport qui va désormais être court et facile.

C'est sûrement dans la préoccupation de pouvoir fournir constamment assez de combustible à cette nouvelle amélioration qu'il acheta, le 3 octobre 1774, un bois, fonds et superficie, à Jean-Louis Sauvageot, propriétaire, pressé par de nombreux créanciers. (1)

Fénelon acheta ce bois pour la somme de douze mille livres qu'il fallait verser dans un bref délai. Or, il était difficile à notre prieur de faire face sur la champ à cette dépense énorme pour l'époque, vu surtout les revenus modiques de ses propriétés. Il se vit donc obligé de recourir à un emprunt : Claude-Louis Bonin, notaire royal à Perrecy, lui avança, le 13 octobre suivant, la somme de dix mille livres, avec condition et promesse d'être remboursé en trois ans, à peine de tout dépend, dommage et intérêts. (2)

Ces charges, ces inquiétudes, nées des soucis d'une bonne administration, ne furent pas les seules qui vinrent assiéger Fénelon dans ses fondations d'usine. Dès le commencement, les contre-temps et les déboires ne lui manquèrent pas. Vivant Jobert son maître de forge,avec qui il avait fait en 1771 un bail de six cent quarante-huit livres par an, se vit obligé de résilier en faveur de Jean Dessertenne (3). Ce nouveau maître de forge mourut la même année, et sa veuve, qui s'était engagée solidairement avec son mari, fut obligée de payer de loin en loin de maigres à-compte. André Brossier lui succéda. Mais des difficultés plus graves l'attendaient encore.

Une société de riches négociants de Paris, composée de MM. Renard, Bouthier de la Tour, Riel, Rioly, Mayer et l'abbé

 

(1) Acte passé par-devant MO Lambert, notaire à Autun. (Étude de Demontmerot, Autun.)

(2) Etude de Me Brugnot, notaire au creusot.

(3) Même étude, voir les actes aux époques indiquées.

 

Gallois, avait acheté les forges de Mesvrin ainsi que celles de Perrecy. Ces dernières leur avaient été vendues à la mort de Me Renaul d'Irval, procureur de Perrecy. Ces deux exploitations pouvaient parfaitement se compléter l'une par l'autre, puisqu'à Perrecy on extrayait les minerais de fer qui étaient fondus presque sur place. Fénelon n'avait soupçonné aucun inconvénient en unissant sa petite création de Mesvrin aux belles fonderies de Perrecy ; son laminoir et son fourneau de Bouvier n'avaient qu'à y gagner. Tout devait donc bien aller, lorsque M. Rioly, l'un des associés, vint à mourir. Cette mort fit surgir mille embarras qui entraînèrent la dissolution de la société, et la vente générale des forges.

L'un des associés, M. Renard, avait été commis par ses consorts pour l'opération de cette vente. Soit intérêt, soit mauvaise foi, il avait procédé à cette liquidation d'une manière illégale et tout-à-fait préjudiciable aux forges de Mesvrin.

Il s'obstinait d'abord à vendre ensemble les deux exploitations, malgré les réclamations M. de Fénelon, et même de presque tous ses coassociés, entre autres M. l'abbé Gallois. Les capitaux importants qu'exigeait un tel achat le rendaient très difficile, et par là traînaient les affaires de mois en mois.

Or, on sait combien il est nuisible à de tels travaux de n'avoir pas de maître bien déterminé. De plus cet employé n'avait pas déclaré sur les affiches d'usage les charges, cens et redevances dus à notre prieur sur les forges de Mesvrin.

Fénelon s'alarma de ces procédés contre toute loyauté et coutume ; d'un côté, pour se garantir de pertes importantes sur les redevances et les arrérages que la société lui devait, de l'autre pour sauver son petit contre d'industrie d'une ruine complète, il se vit forcé d'en appeler à une décision judiciaire.

De cette détermination cependant naissaient encore. une multitude de complications qu'une cour de province aurait eu de la peine à débrouiller. En effet, il ne pouvait pas attaquer le sieur Renard seul, puisqu'il était le délégué de la société. Il ne pouvait pas non plus faire supporter indistinctement à tous les membres de la société les frais dispendieux d'un jugement, puisque certains d'entre eux partageaient sa manière de voir. Dans cette perplexité, après avoir choisi M. Gauthier pour avocat et pour conseiller, il porta sa plainte au parlement de Paris. Elle fut examinée et discutée en détail ; les intérêts de chacun des associés étaient défendus par un des membres du barreau. Enfin, le vingt-neuf mars de l'an de grâce mil sept cent quatre-vingt-quatre et son règne le dixième, le roi, par son parlement, ordonna : 1° que la vente des forges de Perrecy et des forges de Mesvrin se ferait séparément ; 2°, que de nouvelles affiches seraient faites, dans lesquelles le sieur Renard détaillerait les charges et cens desdites forges de Mesvrin ; 3° que la vente se ferait dans les six mois; 4° enfin que M. de Fénelon serait payé de préférence à tout autre créancier, comme bailleur de fonds, des sommes dues et arrérages. Notre prieur devait de son côté défrayer de ce jugement les membres de la société qui s'étaient juridiquement déclarés étrangers à toutes ces contestations. (1)

C'est à la fin de cette grosse affaire que Mesvrin fut vendu à une nouvelle société sous la direction de M. Chardon, commissaire du roi. Au Creusot fonctionnaient aussi, depuis 1782 seulement, des fourneaux (2) sous l'autorité de M. Wendel (3), à qui M, de la Chaize avait cédé une partie de sa concession. Ce nouveau directeur avait formé une société sous le nom de Saint-James.

Le roi en était le principal actionnaire. Son capital total était de dix millions. Cet établissement royal reçut désormais le nom de Creusot.

 

(1). Ces détails sont tirés d'un procès écrit sur parchemin et trouvé chez un propriétaire de Saint-Sernin.

(2) Rapport lu à la Société Éduenne par M. Joseph de Fontenay. (Origine du Creuset.)

(3) Il logea au château de Saint-Sernin jusqu'au 11 novembre 1787. (Voir le bail à ferme déjà cité.)

 

Ces deux centres d'industrie, Mesvrin et Bouvier, avaient attiré sur le territoire un grand nombre d'étrangers qui augmentaient d'autant la population de Saint-Sernin. Elle avait d'abord été de quatre cents habitants (1) puis avait flotté longtemps entre trois cents et quatre cents communiants; mais à cette époque, elle approchait, nous le croyons, douze cents âmes.

Le curé, quoique encore dans la force de l'âge, ne pouvait plus suffire à son ministère. Le prieur, toujours soucieux du salut des âmes, appela à son aide un vicaire à qui il attribua un traitement de deux cents cinquante livres pris encore sur les revenus de son prieuré(2)

Le bon prieur, esprit ingénieux et actif lorsqu'il s'agissait de soulager ses frères, était parvenu, à force de sacrifices, à faire de son petit prieuré une paroisse qui pouvait se suffire à elle-môme.

Elle avait une église vaste et gracieuse, un curé et un vicaire qui devaient l'un et l'autre travailler avec ardeur à la sanctification des âmes, sans préoccupation des besoins matériels de logement et d'existence. À l'exemple, de Prodhun, deux centres d'industrie, Mesvrin et Bouvier occupaient toute l'année un grand nombre d'ouvriers qui y gagnaient largement leur nécessaire. Plusieurs chemins ferrés voyaient chaque année les maigres récoltes de ces montagnes rentrer dans les greniers et les provisions venir, sans crainte d'embourber, du gros marché de Couches. Une mission admirablement bien conduite avait jeté sur tout cela un air de paix et de bonheur dont les âmes devaient se sentir longtemps encore.

Au milieu de toutes ces améliorations, il y avait deux classes de gens pour lesquelles il n'avait rien fait ; deux classes cependant bien dignes de l'attention d'un père comme Fénelon. Nous voulons parler des enfants et des malades.,

 

(1). Courtépée, Description générale et particulière du duché de Bourgogne.

(2). Bail à ferme par M. l'abbé de Fénelon au sieur Nicolas Bard, art. 21. (Arch. de la ville d'Autun.)

 

Il y avait bien déjà dans la commune une école tenue par un maître laïque nommé Reiné Barlot (1750) 1. C'était là que garçons et filles allaient ébaucher chaque jour les premiers éléments de lecture et d'écriture. Cet établissement était insuffisant, depuis surtout que la population s'était considérablement accrue. Fénelon avait aussi très bien compris que ce mélange des deux sexes était un abus où, sous prétexte d'instruction, la jeune fille pouvait manquer son salut et son avenir en sacrifiant à un peu de savoir sa première éducation. Ce sera donc sur les petites filles jusque-là oubliées que commencera son oeuvre. Il fallait ensuite pour les malades un médecin et quelques remèdes sûrs et prompts; puis une personne de confiance pour les distribuer avec intelligence, capable même de les soigner au besoin. Il fallait en outre recevoir dans un local aéré et sain et dans des lits confortables les plus pauvres qui ne trouvaient chez eux qu'un dur grabat, quelquefois sans couvertures et très ' souvent sans draps. Bref un hôpital servi par quelques religieuses.

Ces deux oeuvres, école et hôpital pour un petit endroit comme Saint-Sernin, pouvaient se réunir dans un seul établissement. Les soeurs, dans les loisirs que leur laisseraient leurs rares malades, s'occuperaient facilement des jeunes filles que les familles voudraient bien leur confier, et ces enfants trouveraient là, avec l'instruction pour leurs intelligences, des exemples vivants de charité chrétienne. Les plus avancées môme pourraient prendre dans la maison les premières notions d'hygiène et du soin des malades : notions dont elles auront certainement besoin plus tard, et qui, trop souvent, sont reniplacées dans nos campagnes par des préjugés invétérés et nuisibles ou par des pratiques ridicules et niaises. Telle fut

 

(1) Registres de la paroisse. (Archives de la commune). Cette école était récente, puisque quelque temps auparavant Parchiprètre de Blanzy déclare, dans un de ses rapports de visite, qu'il n'y a pas un instituteur dans tout le canton, et que quand il s'en présentera un, il aura soin d'examiner sa capecité, vie et moeurs. (Visites de l'archiprètré de Blanzy; arch. de l'Évêché.)

 

la généreuse conception de Fénelon. Il avisa ensuite un emplacement convenable. Or il y avait sur la place, à côté de la cure, deux maisons séparées par une cour qui appartenaient an sieur Philibert Jobey (1). Les acheter, les démolir, puis rebâtir à la place une maison solide et de belle apparence fut l'affaire d'une année. Son oeuvre était créée. Cette maison était composée d'un rez-de-chaussée occupé par les classes et les cuisines, et d'un premier étage destiné an dortoir et à la salle des malade. Le jardin, petit il est vrai, était bien suffisant aux besoins de la maison. La cour, qui se prolongeait sans limite sur la place, était assez vaste pour les ébats joyeux des enfants

Cet hôpital, patenté par le roi en 1777 (2), devint bientôt florissant. Il avait pour administrateurs André Dumont, prêtre, Émiland-Marie Douhèret, avocat au parlement, Jean Chrétien, syndic de la paroisse, André Fyot, marchand propriétaire aux Vernizeaux.

Ces administrateurs passèrent, le 13 novembre 1779, un bail de neuf ans avec le prieur, par lequel ils amodièrent les chambres, les cabinets et dessertes, le tout meublé et sans réserves, moyennant la somme de deux cents livres par an, qu'ils s'obligèrent à payer à la Saint-Martin de chaque année, à la charge seulement d'administrer ce bien en bon père de famille et de rendre les appartements et les meubles au même état qu'ils les auront pris. (3)

Cette fondation prospéra tellement en peu de temps, que la supérieure fut obligée de doubler son personnel; elle avait auprès d'elle novices et pensionnaires. (4)

Après ce nouvel établissement qu'il venait de créer et de doter d'un revenu suffisant, Fénelon n'avait, pour ainsi dire,

 

(1) Plan du terrier de Saint-Sernin, 1749. (Arch. de la commune.)

(2) Courtépée, Description générale et particulière du duché de Bourgogne.

(3) Acte d'amodiation. (Étude de Me Brugnot, notaire au Creusot.)

(4) Registres de la paroisse, 22 juin 1781. (Arth. de la commune de Saint Sernin-du-Bois.)

 

plus rien à faire parmi nous. il avait accompli son couvre dé régénération. Il avait transformé ces arides campagnes en lieux aussi riches et aussi fertiles qu'elles pouvaient jamais être.

Le bien pour se faire n'avait plus besoin de sa présence, c'est pourquoi, peu soucieux de lui-même, et ne cherchant pas dans le bien qu'il avait fait cette jouissance douce et légitime que nous aimons ordinairement à nous donner, comme une sorte d'à-compte sur les récompenses du ciel, il quitte ces lieux qui l'ont vu pendant près de trente ans, son curé qui avait passé les plus belles années de son ministère sous sa paternelle influence ; il quitte aussi cette pauvre population qui semblait si heureuse de le posséder au milieu d'elle.

Courtépée, qui avait parcouru la Bourgogne au moment où Fénelon résidait dans son prieuré, avait été profondément édifi6 de sa conduite. Dans l'immense travail que ce prêtre savant avait entrepris, il ne pouvait faire de lui un long éloge; il ne nous a laissé que cette phrase qui vaut à elle seule un volume: " Si tous se conduisaient comme M. de Fénelon à Saint-Sernin-du-Bois, qui est le père plutôt que le supérieur de ses vassaux, on n'envierait point les richesses du clergé. " IL

Appelé à Paris pour des affaires, il se déchargea, au mois d'août 1786, de l'administration entière de ses propriétés de Saint-Sernin et de Saint-Germain. Ce bail à ferme pour neuf ans fut passé au plus offrant qui fut Nicolas Bard, négociant à Marnay, paroisse de Saint-Symphorien. La mise lui resta au prix de 18,000 fr. (2)

Fénelon à Paris avait pris domicile au Séminaire des missions étrangères, rue du Bac, parce que c!était près de là que se tenait l'école de charité pour les Savoyards.

Poussé moins par nature que par vertu au soulagement de la misère, son coeur semblait pencher là où il trouvait le plus

 

(1) Courtépée dans ses notes manuscrites en Bourgogne. (Cahiers de Mgr Devoucoux.)

(2) Archives de la ville d'Autun.

 

d'abandon et, le plus de souffrances. Grand seigneur de la cour, il était venu porter ses bienfaits dans sa pauvre terre de Saint-Sernin ; retournant à Paris, il adopta une classe de pauvres dont la misère physique et morale attirait la sympathie à ceux à qui elle n'inspirait pas la crainte et l'effroi. Le sort des petits Savoyards avait déjà en 1665 fixé l'attention d'Étienne Joly, prêtre du diocèse de Dijon, qui avait ouvert chez lui à Paris des catéchismes auxquels, il les attirait par d'abondantes aumônes. Vers le même temps, Claude Hélyot, conseiller à la cour des aides de Paris, réunissait aussi ces malheureux abandonnés pour leur enseigner les éléments de la doctrine chrétienne. Ces pauvres enfants loin de leurs foyers, de leurs familles, chassés. de leurs montagnes par la misère et la faim, perdus dans ces grandes rues de Paris, étaient heureux de se retrouver en famille autour d'un coeur qui leur prouvait son amour par une charité de l'âme et du corps.

Mais bientôt ils perdirent tout d'un coup ces deux premiers protecteurs. L'abbé Joly fut rappelé dans son diocèse en 1672, et M. Hélyot mourut en 1686, Pendant cinquante ans les pauvres Savoyards n'eurent plus de père, l'oeuvre avait été abandonnée. Ce n'est qu'on 1737 que M. de Pontbriand reprit en main la cause de ces malheureux. Les vertus de ce noble ecclésiastique étaient héréditaires comme celles de Fénelon. Destiné à la carrière des armes, il l'abandonna bientôt. Dieu l'appelait à un état plus parfait ; il entra dans les ordres sacrés. Les honneurs l'y attendaient, car il fut aussitôt nommé vicaire général et archidiacre du diocèse de Cahors, puis commandataire de Saint-Marien, à Auxerre, abbaye de prémontrés qui valait quatre mille livres, et de Theuilley, au diocèse de Dijon, de l'ordre de Cîteaux, qui pouvait rapporter le double. Mais ces honneurs et ces revenus touchaient peu son coeur. Sa seule passion était de faire du bien à ses frères malheureux et souffrants , c'est pourquoi, à l'âge de trente-deux ans, il s'attacha à l'oeuvre délaissée des petits Savoyards. Il y consacra tout le reste de sa vie, employant là ses soins, son temps et sa fortune ; aussi le connaissait-on sous le nom de Savoyard. Il s'était tellement identifié à eux que, pour être sÛr de leur faire plus dé bien, il vivait tous les jours au milieu de ces pauvres, et s'était fait pour ainsi dire comme l'un d'eux. Il publia plusieurs petits ouvrages de piété pour leur édification ainsi que celle des fidèles. Il fit paraître en outre en 1751 une brochure ayant pour titre : Projet d'un établissement pour élever dans la piété les Savoyards qui sont dans Paris. Lui-même avait donné un commencement d'exécution à ce projet en ouvrant, rue du Bac, une école de charité pour les réunir et leur distribuer, avec les aumônes, les secours spirituels dont ils avaient surtout besoin. Ses petits revenus ne pouvaient suffire à une oeuvre aussi grande; c'est pourquoi il avait, dans quatre brochures successives, intéressé les personnes pieuses en leur exposant l'abandon et la misère des Savoyards.

La reine Marie-Leczinska y prit un intérêt tout particulier, et favorisa les développements de cette entreprise.

Avant de mourir M. de Pontbriand ne fit qu'un testament, qui porte la date du 13 septembre 1763. Il donnait à la congrégation de Saint-Lazare tous ses biens mobiliers; mais il ne léguait son oeuvre à personne. il la savait trop grosse de sacrifice et de zèle, pour l'imposer à quiconque. Ces sortes de missions doivent être entreprises volontairement par ceux qui s'y consacrent. Aussi, à sa mort qui arriva en 1771, les petits Savoyards étaient restés sans maître et sans bienfaiteur.(1)

Telle était la situation de cette oeuvre lorsque notre prieur résolut d'en prendre la direction. Le souvenir de son ami, M. de Pontbriand, et celui de la reine, dont il avait connu la haute piété, était pour lui comme une manifestation de la volonté de Dieu à son égard. Il désirait aussi se créer, au milieu de ce grand désert de Paris, une famille sur laquelle

 

(1) Ces détails sur cette oeuvre nous ont été donnés par M. le vicomte de Pontbriand qui a mis, avec une bienveillante bonté, les souvenirs de sa famille à notre disposition.

 

il pût, comme à Saint-Sernin, répandre les trésors de sa fortune et de son coeur.

Fénelon conçut tellement bien le but pratique de ses nouveaux devoirs que le monde le désigna sous le titre honorifique d'évêque des petits Savoyards.

Il voulut d'abord faire des hommes de cette espèce d'êtres qui, sous un masque affreux et rebutant de crasse et de suie, cachent presque toute leur vie une figure humaine; et pour cela, il s'efforça d'en faire des chrétiens, persuadé qu'en les retirant du vice et en leur inspirant les vertus morales, ils recouvreraient d'eux-mêmes leur place dans une société qui les avait séparés de son sein, et qui les regardait avec effroi ou mépris comme une caste à part. (1)

Après avoir écarté cette laideur et ces haillons, il trouva dans ces poitrines des coeurs d'hommes, pleins de mauvaises passions, sans doute, mais aussi avec ce penchant irrésistible à la reconnaissance qui pousse les natures les plus abandonnées vers ceux qui leur font du bien. Il aimait ces bonnes gens comme ses enfants, il venait à leur secours quand ils étaient malades, et pourvoyait à leurs différents besoins; aussi lui étaient-ils attachés comme à leur père.

L'abbé de Fénelon les assistait tous; mais il avait une prédilection. particulière pour les plus jeunes, parce qu'ils avaient plus de besoins, et qu'ils se trouvaient exposés à un plus grand nombre de dangers. Ces pauvres enfants, de retour aux foyers aimaient à raconter à leurs mères de Savoie les bontés et les condescendances de ce curé qui leur portait tant d'intérêt, et les mères étonnées se trouvaient heureuses de savoir que, dans cette grande ville de Paris, un coeur battait à l'unisson du leur pour ces pauvres petits.

Il avait chez lui un magasin de chemises, de chaussures et de vêtements destinés à leur usage. Il tenait aussi pour ceux qui arrivaient une provision d'instruments qui leur étaient

 

(1) Éloge historique de l'abbé de Fénelon J.-G. (Bibliothèque nationale.)

 

nécessaires et qui leur manquaient souvent pour gagner leur vie. Il leur distribuait ces petits effets suivant leurs besoins particuliers. Sa porte leur était toujours ouverte; mais il y avait des jours et des heures marqués où ils devaient se rassembler, soit pour exposer leurs besoins, soit pour rendre compte de leur conduite.

Il leur fit ajouter au métier de ramoneur qui leur laissait trop de loisirs, celui plus journalier de décrotteur. Il fut alors obligé de leur procurer encore les outils nécessaires à cette nouvelle industrie,

On le voyait souvent s'arrêter auprès d'eux dans les carrefours, s'informer de leur gain, de leurs besoins, et pourvoir à tout sans jamais se lasser, Il plaçait aussi en apprentissage à ses frais ceux d'entre eux qui préféraient rester en France plutôt que de retourner dans leur pays. (1)

Toutes ces précautions, tous ces soins matériels étaient un moyen d'arriver jusqu'à leurs âmes. Il n'oubliait pas que l'école était véritablement la clef de voûte de l’oeuvre; aussi mettait-il un soin particulier pour obtenir de ces êtres vagabonds une assistance régulière. Il leur faisait là le catéchisme, leur donnant aussi, dans des entretiens simples et à leur portée, des leçons de morale et de religion. Sa parole était celle d'un père à ses enfants. Quand il en avait un certain nombre de bien instruits, il choisissait un dimanche pour leur faire faire leur première communion. Il les y préparait par une retraite pendant laquelle il les instruisait encore par des entretiens familiers appropriés à la grande action qu'ils allaient accomplir. Il avait soin que tous soient réconciliés avec Dieu dans le tribunal de la pénitence, et pour que la propreté du corps répondît à la pureté de l'âme, il les faisait habiller à neuf. La cérémonie se faisait avec la pompe la plus imposante; c'était ordinairement un évêque qui, le matin, donnait la

 

(1) Catéchisme de persévérance, par Mgr Gaume, t. VI, p. 423; Paris, t860.Éloge historique cité plus haut. - Légendaire d. Autun, par M. Pequegnot, curé de Couches.

 

communion à ces enfants, et un des plus célèbres prédicateur de Paris qui, le soir, leur prêchait le sermon, après lequel ils renouvelaient leurs voeux du baptême. Tout cet appareil religieux frappait autant leur esprit que leurs sens," et laissait dans leur coeur des impressions qui ne s'en effaçaient presque jamais.

Le souvenir et l'image de leur père se gravaient dans leur esprit, et au milieu de leurs plus mauvais jours, son visage paternel, ses pieux conseils ont dû plus d'une fois préserver et retirer môme beaucoup de ces âmes ou du désespoir 'ou du vice. C'est à Saint-Sernin qu'il avait commencé ce ministère tout pastoral. C'est dans cette paroisse qu'il avait cherché pour la première fois à prendre le chemin des coeurs souffrants, à s'attacher les pauvres, les sabotiers, les charbonniers, les 'verriers ou les mineurs, et là comme à Paris au milieu de ses Savoyards, il avait pleinement réussi.

Il était ingénieux pour assurer autant que possible leur persévérance dans le bien; il ne voulait pas qu'une fois sortis de ses mains ils fussent livrés à eux- mêmes, et pour établir un lien permanent entre eux et lui, il avait imaginé dans son zèle et sa charité un Moyen particulier. Il institua au milieu d'eux une chose que nous aimons à tout âge recevoir et porter, des médailles et des décorations.

Les gouvernements et les sociétés s'en servent pour s'attacher les hommes les plus distingués par leur courage ou leur science. Lui, s'en servit pour attacher ses Savoyards à la vertu et à leurs devoirs de chrétiens. Il fit-donc une provision de médailles de cuivre avec une inscription qui indiquait que c'était un prix de sagesse, Mais cette récompense, il fallait la mériter et elle ne s'obtenait qu'après des preuves multipliées de docilité, de sagesse et de bonne conduite. .

L'enfant porteur de cette médaille la conservait comme un bijou précieux ; il s'en parait quelquefois, et il ne manquait pas de la produire quand il avait -besoin de quelque recommandation.

Cette médaille était connue des agents de la police et elle était d'un grand poids en faveeur de celui qui la possédait

La fortune de l'abbé de Fénelon ne pouvait pas suffire àtout le bien qu'il désirait. Les maigres revenus de son prieuré de Saint-Sernin, qu'il avait amoindris par toutes les améliorations dont il avait fait jouir les habitants, ne pouvaient couvrir seuls les énormes dépenses de ses bonnes oeuvres, Lorsque son homme d'affaires, Jacques-Lazare Jondot, n'avait plus rien à lui envoyer, il faisait des quêtes de charité. Il savait alors retrouver le chemin de la cour. Il y avait brillé autrefois et maintenant il y revenait tondant la main comme le dernier des malheureux. Son nom, son couvre, le souvenir de Marie Leczinska, tout parlait pour lui, et Madame Ëlisabelh, cet ange de la cour, comme on aimait à l'appeler, poussée par la pieuse pensée de la sainteté et des malheurs de sa mère, que la vue de ce vieillard lui rappelait, jetait une large aumône dans la bourse des pauvres. Il frappait aussi à la porte des maisons opulentes où il pouvait avoir accès. Il employait surtout cette ressource dans les temps durs et calamiteux. Il disait avec ingéniosité aux personnes dont il implorait la charité : " Qu'il avait un grand nombre d'enfants répandus dans tous les quartiers de Paris, et qu'il sollicitait des secours pour fournir aux besoins de cette pauvre et nombreuse famille. (1)

Au milieu des grandes occupations que lui donnait son oeuvre, Fénelon trouvait encore du temps pour les études sérieuses. Les écrits de son illustre parent, qui étaient certainement un trésor pour l'Église entière, attirèrent spécialement son attention. Il conçut le projet d'en donner une édition complète. Il voulut pourtant retrancher de cette collection toutes les questions de controverse auxquelles la sublime soumission de l'archevêque avait mis fin et qui n'avaient plus à l'époque actuelle d'intérêt sérieux. Ce retranchement était de sa part sagesse et prudence ; il s'associait par là à cette

 

(1) Eloge historique déjà cité.

 

démarche admirable que fit son immortel parent, lorsqu'il monta en chaire au milieu de son troupeau pour rétracter ses propres ouvrages. Un silence complet devait désormais passer sur tout cela; et si quelque savant, désireux de remuer la poussière de ces luttes passées, voulait étudier plus tard ces controverses, assez d'exemplaires en avaient été donnés dans le temps pour satisfaire son inutile curiosité. Il confia la soin de cette édition au père de Querboeuf. Cet ancien jésuite s'était déjà fait remarquer par des travaux de ce genre ; il avait travaillé à la réimpression des lettres édifiantes, et quoique sorti de la compagnie de Jésus, on n'avait pas craint de l'employer à la publication de plusieurs ouvrages de la société. Les oeuvres du P. Berthier étaient du nombre. Cet ecclésiastique donc était un excellent choix puisqu'il pouvait donner des garanties sérieuses et des espérances certaines de succès. (1)

La grande difficulté était de trouver des fonds suffisants pour solder les grandes dépenses que ce projet allait entraîner. Sa bourse, qui n'était plus la sienne mais celle des pauvres, n'aurait pas compris un si énorme détournement. Comme c'était une affaire purement ecclésiastique, il n'hésita pas à s'adresser au clergé de France alors assemblé à Paris (1782). Il ne lui fut pas difficile de faire comprendre l'importance de cette. publication et d'obtenir ce qu'il demandait. Le clergé se chargea des frais de l'impression. La collection des oeuvres du grand Fénelon a été imprimée ; elle forme neuf volumes in-4°. Notre prieur signa l'épître an roi, qui se trouve en tète, mais il ne vécut pas assez pour voir la fin de son entreprise. (2)

Les catastrophes de la révolution le forcèrent d'interrompre ses travaux et lui suscitèrent des embarras sans nombre pour la bonne tenue de son oeuvre et de son école des petits Savoyards. Enfin l'Assemblée nationale en 1790 créa à Fénelon de nouvelles

 

(1) Feller, et surtout Éloge historique déjà cité.

(2) Éloge historique déjà cité.

 

difficultés en votant la confiscation des biens du clergé. C'était lui retirer une grande partie de ses ressources puisqu'on lui enlevait son bénéfice de Saint-Sernin, et qu'on le laissait abandonné à ses seuls biens de famille, sauf cependant une petite pension que la loi lui accordait sur l'abbaye de Magranier. Ce fut une crise pénible à son coeur que de se voir obligé de calculer désormais entre sa charité et sa bourse. Rien ne le découragea ; il fit comprendre à ses enfants que le roi et la nation exigeaient d'eux quelques sacrifices pour payer les énormes dettes de la France ; et chacun, prenant sa part du malheur des temps, supporta avec patience des souffrances aussi patriotiques.

Ce n'est pas l'amour des richesses, mais uniquement le besoin de ses chers Savoyards qui le força à autoriser son homme d'affaires à réclamer énergiquement sa petite pension et les derniers arrérages qui lui revenaient sur son ci-devant prieuré. Cet acte passé à Autun est ainsi conçu :

"  Je soussigné, Jacques-Lazare Jondot, fondé de pouvoir de M. l'abbé de Fénelon, cy-devant prieur de Saint-Sernin-du-Bois, demeurant à Paris, déclare, pour ledit prieur abbé de Fénelon, qu'il entend jouir de la faculté qui lui est accordée par l'article 27 du décret des six et onze août dernier. Je déclare en outre que mondit sieur abbé de Fénelon jouit des revenus dudit prieuré de Saint-Sernin, l'année 1789, lequel est amodié par acte notarié moyennant dix-huit mille livres, compris les bois, la coupe réglée et d'une pension de huit cents livres, réduite à cinq cent cinquante livres, affectée sur l'abbaye de Magranier, diocèse de Toulouse.

" A Autun, le 1er novembre 1790. " JONDOT. "(1)

Des épreuves plus douloureuses l'attendaient l'année suivante. Le 4 janvier 1791 était fixé comme le dernier délai

 

(1) Archives de la ville d'Autun.

 

donné à tout ecclésiastique qui n'avait pas encore prêté serment à la constitution civile du clergé. Ce serment schismatique devait donner une organisation toute nouvelle à l'Église de France, la séparer de Rome et du Pape. Fénelon, alarmé comme presque tous ses frères de ce que l'Assemblée, d'une manière aussi maladroite, voulait, après avoir fait main basse sur les biens de l'Eglise, s'emparer encore des consciences catholiques, attendit avec anxiété ce dernier jour. Il fit comme les prêtres fidèles et ne voulut prêter aucun serment.

Il fût obligé de quitter Paris et de se retirer au Calvaire du Mont-Valérien (1), qui ne lui offrit pas une retraite bien sûre puisqu'il y avait là un commencement d'établissement ecclésiastique (2). Il fut bientÔt découvert, arrêté et conduit au palais du Luxembourg.

A la nouvelle de l'arrestation de Fénelon, les Savoyards s'émurent. Jusque-là ils avaient subi en silence toutes les privations qu'on leur avait imposées, 'parce qu'on leur laissait encore leur protecteur et leur père bien-aimé. Tant que les persécutions n'eurent pour victimes qu'eux-mêmes, on n'entendit de leur part aucune réclamation. Mais aujourd'hui ce n'est plus leur personne proprement dite qui est en cause, c'est la liberté, la vie peut-être de leur père.

On les vit alors courir, s'assembler, se concerter sur les moyens à prendre pour sauver leur bienfaiteur. Que vont-ils décider ? Ils ne veulent pas fomenter une émeute ; ce moyen serait mal vu de celui qu'ils veulent tirer des mains des bourreaux ; il leur a toujours défendu de se mêler aux bruits et aux clameurs de la rue. Ils iront donc sans colère, avec ordre et calme, porter leurs plaintes à la Convention, la seule autorité alors reconnue qui pût les entendre.

La Convention se vit forcée d'ouvrir ses portes à la nom-

 

(1). Éloge historique de l'abbé de Fénelon. (Bibliothèque nationale.)

(2) Feller, Dictionnaire historique, Voir aux noms Juigné, Brunet, Beauregard.

 

breuse députation des petits Savoyards. L'un d'eux, nommé Firmin, s'avance résolument et présente sa pétition à un oraateur qui la lit à haute voix.

" CITOYENS LÉGISLÀTEURS,(1)

" Sous le règne du despotisme, les jeunes Savoyards eurent besoin d'appui en France ; un vieillard respectable leur servait de père. Le soin de notre conduite, les premiers instruments de notre industrie, notre subsistance même, furent longtemps les fruits de son zèle et de sa bienfaisance. Il était prêtre et noble ; mais il était affable et compatissant ; il était donc patriote. L'aristocratie ne connaît pas d'aussi doux sentiments.

" Cet homme si cher à nos coeurs, et nous osons le dire si cher à l'humanité, c'est le citoyen Fénelon, âgé de quatre vingt ans, détenu dans la maison d'arrêt du Luxembourg, par mesure de sûreté générale. Nous sommes loin de condamner cette mesure ; nous respectons la loi ; les magistrats ne sont point tenus de connaître ce vieillard comme le connaissent ses enfants. Ce que nous demandons, Citoyens Représentants, c'est qu'il plaise à cet auguste sénat de permettre que notre bon père soit mis en liberté sous notre responsabilité. Il n'en est aucun parmi nous qui ne soit prêt à se mettre à sa place; tous ensemble, nous nous proposerions même si la loi ne s'y opposait pas.

«  Si cependant, notre sensibilité nous rendait indiscrets, Citoyens législateurs, ordonnez qu'un prompt rapport vous fasse connaître notre père. Vous applaudirez sûrement à ses vertus civiques; et il sera aussi doux pour ses enfants de vous les avoir exposées, qu'il sera consolant pour ce bon père de recevoir ce témoignage de votre justice et de notre reconnaissance. »

Cette pétition une fois lue fut déposée sur le bureau ; elle était signée : FIRMIN, au nom de tous ses camarades.

 

(1). Moniteur universel, séance du 30 nivôse (20 janvier 1794), p. 433. (Bibliothèque nationale.)

 

La Convention toujours incorruptible comme son vertueux tribun Maximilien, peu touchée des vertus de Fénelon et de la reconnaissance de son cher troupeau, ordonna froidement que cette demande soit renvoyée au comité de sûreté générale.

A cette réponse un des jeunes Savoyards qui connaissait la haine aveugle de ce comité pour l'Église et la noblesse (1), ne put s'empêcher de pousser ce cri d'effroi : " Au comité de sûreté générale ! notre père est donc perdu ! Citoyens législateurs, vous avez annoncé la paix aux chaumières et déclaré la guerre aux châteaux. Pourriez-vous ne point pardonner au saint abbé de Fénelon d'être né dans un château lui qui fat soixante ans le bienfaiteur et l'ami des chaumières. (2)

Cris, plaintes inutiles ; ni les paroles flatteuses de la pétition, ni la pointe pleine de sol et de vérité de ce jeune Savoyard ne purent fléchir la redoutable Convention. Fénelon resta prisonnier. Mais lorsque ce bon père apprit la démarche courageuse, héroïque de ses chers enfants, quel baume pour son cœur ! Oui ses petits Savoyards sont restés bien fidèles à leurs devoirs.

Fénelon au Luxembourg était logé au troisième étage et allait chaque jour chez Mme la duchesse d'Orléans pour y . prendre son repas. (3)

Mais ce n'était pas seulement auprès de la duchesse d'Orléans qu'il remplissait son auguste ministère. Ce vénérable patriarche était transporté de joie et remerciait Dieu de tout son coeur quand il avait ou le bonheur de faire retourner des enfants prodigues à leur père, et il n'y a que Dieu qui sache combien il a remis de brebis égarées dans le bon chemin. Non gaudet super iniquitate, congaudet autem veritati. M. Cormeaux, prêtre de Bretagne, chef de mission, enfermé avec lui au

 

(1). Le comité de salut publie et de sûreté générale a été décrit par Louis Prudhomme dans son Histoire générale des fautes et des crimes de la Révolution, t. v, p. l07 et 117; cité par Beauchesne dans Louis XVII, t. II, P. 488.

(2). Catéchisme de persévérance, t. VI, p. 426, Mgr Gaume. Voyez aussi le Légendaire d'Autun, par M. Pequegnot, 7 juillet.

(3). Histoire des prisons, Nougaret. (Bibliothèque nationale.)

 

Luxembourg, s'étant attaché à ce vieillard, nous a laissé quelques détails de sa vie en prison. " Sa confiance en Dieu qu'il considérait comme le plus tendre des pères, écrit-il, était admirable, et il désirait ardemment mourir pour son Sauveur. Je m'en aperçus, continue notre narrateur, par une réponse qu'il me fit. Lui ayant dit que l'on m'avait comme annoncé que je paraîtrais au tribunal, que l'on m'avait dénoncé comme fanatique, ce vrai serviteur de Dieu me dit : " Ah que je vous " félicite, je voudrais bien être à votre place 1 Quel bonheur " de mourir pour avoir rempli son devoir. C'est mourir pour " Jésus-Christ qui est mort pour nous; je n'aurai pas ce " précieux avantage, je n'en suis pas digne. " Ces paroles, et encore plus le ton avec lequel il me les dit, me pénétrèrent pour lui d'un respect religieux, et remplirent mon âme de consolation. " (1).

Fénelon, voyant la terreur augmenter de jour en jour, comprit qu'il devait se préparer à faire le sacrifice de sa vie. Il redoubla de ferveur dans ses exercices de piété et devint un modèle de résignation pour tous ceux qui partageaient ses chaînes. Son exemple toucha les autres prisonniers, il inspira à un grand nombre d'entre eux, les sentiments dont il était animé. Il entendit leur confession et les disposa à mourir saintement. (2)

Cet état calme des prisons ne faisait pas à ce moment l'affaire de Robespierre, qui bientôt allait. être embarrassé du nombre des arrestations. La guillotine ne fonctionnait pas assez vite pour les monstres de la Convention. Ils inventèrent le complot du général Arthur Dillon, Chaumette, Gobel. Une fois ce complot mis en jeu, ils en recherchèrent partout les ramifications, et, prétextant cette chimérique révolte contre la république, ils envoyèrent à l'échafaud ceux qui les embarras-

 

(1). Histoire des prisons, par Nougaret (Bibliothèque nationale), p. 389.

(2). Éloge historique de l'abbé de Fénelon. (Archives de la Bibliothèque nationale.)

 

 

saient le plus. Une commission fut nommée qui reçut tout pouvoir de rechercher partout les fils cachés de cette prétendue trame. Robespierre, Barrère, Carnot et autres signèrent cette autorisation. Ceux qui seraient dénoncés devaient être jugés par le tribunal révolutionnaire dans les vingt-quatre heures. (1)

Cette commision commença ses recherches par le Luxembourg 'et ne manqua pas de trouver un grand nombre de conspirateurs " qui, dit-elle, n'ont cessé de conjurer et conjurent encore la ruine de la liberté. " La première liste qu'elle dressa date du 17 messidor. Les accusés étaient au nombre de cent cinquante parmi lesquels se trouvaient J.-B.Augustin de Salignac-Fénelon, octogénaire, ancien prieur de Saint- Sernin.

Pour observer rigoureusement la règle des vingt-quatre heures, dans la nuit du 18 au 19 messidor, ils furent amenés du Luxembourg à la Conciergerie pour comparaître devant le tribunal, comme il était ordonné. Ils sortirent de la prison en trois bandes. Mais laissons parler notre prêtre breton. " Après que la troisième bande fat partie, c'était vers les huit heures, je demandais à tous ceux que je rencontrais : l'abbé de Fénelon est-il du nombre ? Les uns me disaient oui, parce qu'on avait emmené un de ses parents qui portait le même nom, les autres m'assuraient qu'il n'en était pas, et en effet, on ne l'avait pas appelé; il était alors environné de personnes qui se félicitaient de ce qu'elles le possédaient encore; mais elles ne le possédèrent pas longtemps.

" Monsieur l'abbé de Fénelon était sur la liste de ceux qui devaient mourir le jour même ou le lendemain, et on avait par inattention oublié de l'appeler. Malheureusement on s'aperçut que le nombre n'y était pas, qu'il manquait une des victimes, et que cette victime était celui dont nous parlons.

" On envoie à l'instant même le chercher. À ce mot : Fénelon,

 

(1) La Terreur, par M. Wallon de l'Institut. (Correspondant, 26 août t872, p696 et suiv.)

 

Fénelon, il y eut bien des personnes accablées d'une douleur profonde ; beaucoup d'enfants perdaient leur père. Il consola ceux qui s'affligeaient et descendit du troisième étage où il était logé. Il y avait parmi les détenus deux ou trois Savoyards à qui il avait fait faire la première communion. Lorsqu'ils le virent aller au greffe, l'un d'eux s'écria en versant des larmes : Quoi ! mon bon père, vous allez au tribunal ! Il leur répondit d'un ton paternel : " Ne pleurez pas, mes enfants, c'est la volonté de Dieu ; priez pour moi ; si je vais dans le ciel comme, je l'espère de la grande miséricorde de Dieu, je vous assure que vous y aurez un grand protecteur. (1)

" À la porte de la prison un autre adieu du même genre l'attendait encore. Un de ces pauvres Savoyards, Joseph Lesenne, que l'abbé de Fénelon avait instruit et assisté, était porte-clefs de la prison du Luxembourg. Ayant aperçu son bienfaiteur emmené à la Conciergerie, il s'élance hors de lui même dans ses bras et le serre étroitement, " mon père, mon père, s'écrie-t-il, quoi vous allez à la mort ! vous qui n'avez fait que du bien ; " et il continue de le serrer, l'empêche d'avancer et veut le tirer des mains des gendarmes qui le conduisaient : " Console-toi, lui dit le respectable vieillard, la mort n'est point un mal pour qui ne peut plus faire le bien. Ta sensibilité est en ce moment pour mon coeur une bien douce récompense. Adieu mon ami, adieu Joseph, pense quelquefois à moi.  " " Ah répond celui-ci, je ne vous oublirai jamais, " et il fondait en larmes. (2)

" À la Conciergerie où on les attendait, tout avait été préparé. Dumas avait fait élever un immense échafaudage dans la salle pour les y ranger et les expédier tous en une fois. Ce fut Fouquier-Tinville qui recula devant la tâche : il obtint que l'on ne procédât que par cinquante ou soixante en trois

 

(1) La Terreur, par M. Wallon, déjà cité, et Histoire des prisons publiée en 1797, par Nougaret, p. 389. (Bibliothèque nationale.)

(2) Mêmes documents.

 

lois. L'échafaudage fut enlevé; et les gradins ordinaires (cela s'appelait le fauteuil) reçurent pour la première journée, 19 messidor, soixante et un accusés, parmi lesquels se trouvait notre prieur. »

Il est inutile de dire ici que tout le réquisitoire de l'accusateur public Fouquier-Tinville avait pour conclusion la peine de mort.

La procédure allait si rapidement que les greffiers avaient à peine le temps d'écrire correctement les déclarations des victimes.

Le tour de Fénelon étant arrivé; ils l'inscrivirent ainsi :

« Jean-Baptiste-Augustin Salignac-Fénelon, âgé de quatre-vingts ans, né à Saint-Jean-d'Estissac, département de la Drôme (lisez Dordogne), prêtre au prieuré de Saint-Couien (lisez Saint-Cernin), demeurant rue du Bacq, aux cy devant Missions étrangères. » (1)

Après les déclarations de chacun des accusés, le réquisitoire de l'accusateur public et des témoins, la question fut ainsi posée au jury: « Sont-ils convaincus de s'être déclarés ennemis du peuple, provoquant par la révolte des prisons et tous les moyens possibles la dissolution de la représentation nationale, le rétablissement de la royauté et tout autre pouvoir tyrannique ? » (2)

La déclaration du jury fut affirmative sur toutes. les questions ci-dessus.

Aussitôt que la réponse du jury fut connue, le tribunal révolutionnaire dressa la sentence suivante :

« Vu etc., etc., le tribunal, après avoir entendu l'accusateur public sur l'application de la loy, condamne André Lantour, Michel Boucher-Duclos (les autres suivent), a la peine de mort conformément aux articles 4, o, 6 et 7 de la loy du 22 prairial

 

(1) Note prise aux Archives de l'Empire en 1854, par M. de Salignac-Fénelon, et envoyée à M. le curé de Saint-Jean-d'Estissac.

(2) Moniteur universel (Bibliothèque nationale). Voir aussi pour toute cette procédure les manuscrits des Archives nationales, à Paris.

 

dernier, dont il a été fait lecture. René-François Dumas, président; Deliège et Barbier, juges, qui ont signé le présent jugement avec le commis greffier.

» DUMAS,     DELIÉGE,    DUCROS,      PR. BARBIER,         commis greffier. » (1)

M. Cormeaux ne sut rien de tout ce qui arriva à Fénelon depuis son départ de la prison jusqu'à ce qu'il fût dans le chariot qui le conduisit à l'échafaud. Mais ce chariot, continue-t-il, et ensuite l'échafaud furent pour lui deux chaires où il prêcha Jésus-Christ et son évangile; où il inspira à ses camarades d'infortune des sentiments de pénitence et de confiance en Dieu (2).

Monté dans la fatale charrette avec cinquante-neuf victimes, il les exhorta le long du chemin à détester leurs fautes, à faire à Dieu avec résignation le sacrifice de leur vie. Arrivé au pied de l'échafaud, il ranima son zèle et ses forces et les exhorta à former de tout cœur un acte de contrition. On dit qu'il avait obtenu de l'exécuteur la permission de parler. Tels furent ses derniers mots :

« Mes chers camarades, il s'adressait à ses compagnons d'infortune, Dieu exige de nous un grand sacrifice, celui de notre vie; offrons-la-lui de bon cœur; c'est un excellent moyen d'obtenir de Dieu miséricorde. Ayons confiance en lui, il nous accordera le pardon de nos péchés si nous nous en repentons. Je vais vous donner l'absolution ». Des témoins oculaires assurèrent que l'exécuteur ou le bourreau fut singulièrement frappé de l'air vénérable de l'abbé de Fénelon, et qu'il s’inclina comme les autres dans le temps que le saint prêtre prononçait les paroles sacramentelles.

 

(1) Jugement qui condamne à la peine de mort: Lantour, Boucher-Duclos, Maurin et autres. (Archives nationales, Paris.)

(2) Histoire des prisons publiée en 1797, par Nougaret, p. 390,

 

Bien des personnes furent étonnées ce jour-là de voir les prisonniers qui sont montés sur l'échafaud, aller au supplice avec une modestie frappante, et ayant la résignation et la paix .peintes sur leur visage.

Dans la plupart, c'est la religion qui opérait le prodige. L'affliction les avait détachés de la vanité. Ils avaient ou recours à Dieu, et Dieu s'était montré à leur égard un tendre père : ils avaient eu des secours spirituels dans la prison, et au moment suprême, ils en avaient profité pour leur salut. (1)

" Telle fut, lit-on dans son éloge, telle fut la fin de ce vieillard octogénaire qui n'avait vécu que pour honorer la religion par ses vertus, l'humanité par ses services, et dont la vie simple mais active, obscure mais remplie, fut une nouvelle preuve qu'un seul prêtre animé de l'esprit de son état fait plus de bien en un seul jour que tous nos modernes docteurs ensemble, si riches en projets et si féconds en idées libérales. " (2)

Quelques jours après, le 23 messidor, le procès-verbal d'exécution de ces malheureuses victimes était enregistré en ces termes aux actes publics : " Affaire Lantour et cinquante sept autres, l'an second de la République française une et indivisible, le 19 messidor, à la requête du citoyen accusateur publie près le tribunal révolutionnaire établi à Paris par la loi du 10 mars 1794, sans aucun recours au tribunal de, cassation, lequel fait élection au greffe du tribunal séant au palais, je me sais, huissier audiencier audit tribunal, soussigné, transporté à la maison de justice dudit tribunal pour l'exécution du jugement rendu par le tribunal, aujourd'hui, contre : André Lantour, etc. (les noms suivent), qui les condamne à la peine de mort, pour les causes énoncées audit jugement, et de suite je les ai remis à l'exécuteur des jugements criminels et à la gendarmerie qui les ont conduits sur la ci-devant place

 

(1). Même document.

(2) Éloge historique de l'abbé de Fénelon JA. (Bibliothèque nationale.)

 

du Trône, où, sur un échafaud dressé sur ladite place, lesdits susnommés ont en notre présence subi la peine de mort, et de tout ce que dessus ait fait et rédigé le présent procès-verbal pour servir et valoir ce que de raison.

" BATEÀU."

Enregistré gratis à Paris le 23 messidor de l'an second de la République une et indivisible.

" CORNEBIZE. "(1)

Après l'exécution qui eut lieu à la barrière du Trône, le corps de Fénelon fut transporté au cimetière des Augustins Picpus, comme celui des treize cent sept victimes jugées dans les quarante-trois jours qui précédèrent le 9 thermidor. Aujourd'hui on voit près de là une chapelle dédiée à Notre-Dame-de-Paix, dont la garde est confiée aux religieuses de l'Adoration perpétuelle. Dans ce monument de la piété filiale, la famille de Noailles fit placer des tables de marbre où fut inscrit le nom de toutes ces malheureuses victimes. On y remarque celui de Fénelon, au milieu de ceux de Lavoisier, de Roucher, d'André Chénier, de Sombreuil, de l'abbé de Montmorency, de M. de Saint-Simon, du maréchal de Mouchy et de sa femme, de la maréchale de Noailles, de la duchesse d'Ayen ; et de la vicomtesse de Noailles. (2)

La fureur révolutionnaire détruisit à Saint-Sernin toutes les oeuvres de Fénelon.

Le château, l'hôpital furent vendus comme bien' national, ainsi que toutes les terres du prieuré. L'abbé Dumont, après avoir été remplacé par un curé constitutionnel 3, mourut dans une prison de Mâcon à. L'église fut dévastée et profanée gros-

 

(1) Archives nationales, Paris. Procès-verbal d'exécution de mort.

(2) Correspondant, revue, 25 octobre 1864, p. 304.

(3) Registres de la paroisse. (Archives de la commune.)

(4) Acte mortuaire conservé à la maison paternelle de Villaines-en-Duesmois

 

sièrement. Les forges de Nesvrin, réunies désormais à la fonderie du Creusot furent vendues. On les vit affichées dans les rues de Paris en ces termes :

" Différentes manufactures et usines importantes, sises dans la vallée du Creusot et environs, entre Chalon et Autun département de Saône-et-Loire, à affermer en totalité ou en partie pour le premier messidor, savoir :

" La fonderie proprement dite et ses dépendances.

" Les laminoirs de Mesvrin et leurs dépendances.

" La forge de Bouvier et ses dépendances.

" La verrerie ou manufacture de cristaux et ses dépendances.

" S'adresser, tous les jours dans la matinée jusqu'à une heure, à l'administration des établissements du Creusot, rue Faubourg-Poissonnière, n° 22, pour prendre connaissance du cahier des charges. " (1)

Cependant, grâce à l'abbé Claire, vicaire de Saint-Sernin, qui ne quitta pas la contrée, le bien que Fénelon avait fait dans les âmes ne se perdit pas.

Son influence, en effet, avait été profonde, et nous-môme actuellement, nous aimons à en retrouver les traces dans les familles restées chrétiennes. Quoique, cette recherche soit aussi légitime que l'ardeur du savant à étudier les vestiges du temps passé dans la poussière des ruines, on nous saura gré de ne pas descendre ici dans les détails qui regardent spécialement le ministère des âmes.

L'abbé SEBILLE.

 

(1) Mémoire à consulter et consultations pour les veuve et héritiers de la Chaize contre les propriétaires, etc., 13 prairial, an X, p. 15, en note. (Archives de M. Harold de Fontenay.)

 

PIÈCES ANNEXES

 

I

 

Requête adressée au Chapitre d'Autun par les religieux de Saint-Germain-des-Bois et de Saint-Sernin, pour obtenir la confirmation de l'élection de leur prieur.

 

1352. - JANVIER.

 

Viris venerabilibus et discretis dominis suis carissimis dominis Johanni de Borbonio (1) decano et capitulo Eduensi, ad quos de antiqua approbata et diutius observata consuetudine pertinet confirmatîo electionis prioris prioratus Sancti Germani Briennensis, ordinis Sancti Augustini, Eduensis dyocesis, quando et quotiens electio in dicto prioratu imminet facienda, sui humiles et devoti fratres Girardus Brutini sacrista Sancti Germani predicti, Petrus de Perreria sacrista ecclesioe Sancti Saturnini de Bosco eidem prioratui Sahoti Germani canonice unite, Dalmacius de Broiches, Johannes de Villa Urbana Stephanus d'Angoym, Martinus de Fontanis, Guido de Colchis et Guillermus de Glenes, canonici regulares prioratus Sancti Germani predicti, sui recommendationie si placet, cum omni reverentia et honore. Domini reverendi, noveritis quod, vacante nuper nostro prioratu predicto, prioris solatio destituto per obitum bone memorie domini Guidonis dou Devant, novissimi prioris ipsius- prioratus nuper deffuncti, qui, sicut Deo placuit, die mercurii post festum Epyfanie domini, diern clausit extremum, corpore ejus tradito reverenter ecclesiastice sepulture die jovis dictam diem mercurii immediate sequenti in ecclesia Sancti Saturnini predicta, nos, attendentes et

 

(1) Jean de Bourbon de Montperroux, doyen de l'Église d'Autun, fut évêque de Verdun en 1362. (Rituel d'Autun, 1835.)

 

considerantes esse periculosum et dampnosum quamplurimum nobis et dicto prioratui nostro si idem prioratus vuiditatis sue incommoda diutius deploraret, recolligimus et assignavimus, consensu unanimi diem martis post festum beatorum Fabiani et Sebastiani martirum cum continuatione dierum sequentium, ad tractandum de electione futuri prioris dicti prioratus nostri et pastoris. Qua die adveniente, nos in dicto prioratu nostro Sancti Germani predicti insimul congregati et conventum facientes, missa sancti Spiritu ante omnia solemniter colebrata, cbnvenientes insimul in nostro capitulo dicti loci, hora capituli solita et specialiter me dicto Petro de Perreria procuratore et procuratorio nomine fratris Philippi de Glenes apud Sanctum Saturninum predictum graviter egrotantis, et per ipsum Philippum ad eligendum cum aliis specialiter constituto, deliberavimus inter nos per quam vîam esset in dicto electionis negocio procedendum; deliberatione habita, placuit nobis omnibus et singulis, nullo penitus discordante, procedere in dicto electionis negocio per viam compromissi. Et tunc Spiritus sancti gratia premitus invocata, factis premitus et habitis aliquibus monitionibus et protestationîbus in talibus fieri consuetis,que tales sunt: quia excommunicati suspensi vol interdicti aut laici sou regularem ordinom non professi non debent in electionibus interesse, idcirco ego Girardus Brutini, canonicus et sacrista prioratus Sancti-Germani Briennensis ordinis Sancti Augustini Eduensis dyocesis, habens de consuetudine dicti prioratus in electione prioris facienda primam vocem, voce mea et omnium ac singulorum concanicorum meorum hie assistentium in dicto, omnes et singulos excommunicatos suspensos ac etiam înterdictos laicosque et ordinem. regularem Sancti Augustini non professos, neenon quoscumque alios si qui sint fôrsitan inter nos qui de jure aut consuetudine in nostre electionis negocio non debeant interesse, quod recedant de capitulo nosque eligere libere permittentes ; protestor etiam, vice et nomine quibus supra, quod non est intentionis nostre tales admittere tanquam in electione jus habentes aut procedere sou eligere cum oisdem ; ymo volumus quod voces talium, si qui post modum tales reperiantur nostre electioni interfuisse, nullum prestent suffragium nec afferant alicui nocumentum et prorsus pro non receptis sive non habitis habeantur. Eligimüs duos compromissarios de nobismetipsis, videlicet prenominatos duos Girardum Brutini sacristam et Martinum de Fontanis, nostros concanonicos, quibus dedimus et concessimus plenariam potestatom eligendi de sibimetipsis aut de nobis aliis illum de dicte nostre ecclesie gremio, duntaxat quem secundum Deum et justitiain et bonas conscientias eorum scirent meliorem et utiliorem ad gubernandum et regendum onus regiminis nostri prioratus antedicti; item quod încontinenti quod ipsi essent concordes de illa personna eligenda nobis aliis predictis reportarent, referrent et incontinenti illam personnam de qua concordes existerent eligerent in communi in priorem et pastorem, et dicto prioratui nostro providerent de eadem, potestate eorum duratura usque ad consumptionem unius candele ardentis eis per nos tradita et non ultra ; dicti vero compromissarii potestatom hujusmodi in se suscipientes se cesserunt ad partem, associatis Johanne, notario publico, et testibus infrascriptis, et illic deliberaverent inter se de personna utiliori ad premissa eligenda, et deliberatione prehabita diligenti, in virum providum et honestum fratrem Johannem de Sancto Privato, concanonicum nostrum, religiosum beati Augustini et regulam expresse professum, in etate legitima et sacris ordinibus constitutum in spiritualibus et temporalibus circonspectum direxcrunt vota sua, et in continenti ad nos predictos canonicos redeuntes nobis retulerunt quod ipsi unanimiter in dictum fratrem Johannem direxerant vota sua, quibus directis idem frater Girardus, sacrista vice sua, et dicti Martini socii sui ac omnium nostrorum dictum fratrem Johannem nominavit et elegit in communi in, priorem dicti prioratus et pastorem in hune modum: In nomine Domini, amen. Nos Girardus Brutini sacrista et Martinus de Fontanis, electi a capitulo sanctorum Germani et Saturnini, invicem . unitorum et in nos ab eis potestate collata et per nos recepta ut vice nostra et omnium aliorum infra tempus consumptionis unius candele ardentis nobis tradite, provideremus dictis ecclesie et prioratui de priore, habito inter nos diligenti tractatu, ego Girardus Brutini, sacrista predictus, de voluntate et mandato domini Martini de Fontanis, predicti consocii moi in bac parte hie presentis, ac vice sua, mea et omnium aliorum, infra spatium et tempus predictum, eligo dominum Johannem de Sancto Privato, concanonicum meum, virum providum et discretum, prîorem dictorurn prioratus et ecolesie et pastorem. Qua electione ita facta nos eam ratam gratam habentes penitus et acceptam, cepfinus dictum electum nos.trum et eum deportavimus ante majus altare predicti prioratus nostri hymnum angelicurn Te Deum laudamus solemniter decantantes, ubi ipse stetit, flexîs genibus quousque finitus extitit dictus cantus : quo finito, dictam electionem nostram publicarî fecimus clero et populo per dicturn sacristam Sancti Germani supradicti ut est moris. Adveniente, autem hora vesperarum diei supradicte, nos in dicta ecclesia insimul congregati, videlicet in predicto capitulo nostro supplicavimus dicto electo nostro et eurn curn instantia roquisivimus quod placeret sibi consentire dicte electioni de se facto pro evitando dampno et periculo nostri prioratus antedicti, qui licet ab initio pluribus excusationibus uteretur et reputaret se indignum, tamen procum nostrarum devictus instancia, nolens divine resistere voluntati dicte electioni de se facto prebuit suum assensum pariter et consensum ad laudem summe et individue Trinitatis, beate Marie semper virginis et totius curie civium superiorum, prout de premissis omnibus et singulis constare potest, per inde confecta super hoc per notarium infrascriptum particularia instrumenta.

Ea propter, vestre, venerande discretioni nobis care, tam humiliter quam devote voto unanimi supplicamus quod dictam. electionem nostrafli tam rite, tam canonice et de personna tani idonea, que humane laudis preconio non indiget, quarn pro ipso res locuntur, celebratam dignemini confirmare ut dictus electus noster nobis et dicte ecolesie nostre preesse valeat utiliter et prodesse, nosque sub ipsius felici rogimine possimus virtutum Domino famulare. Ceterum ut discretio vestra veneranda evidentius agnoscat nos predictos omnes et singulos fuisse in premissis et esse unanimes et concordes presons electionis nostre decrotum, quod ad majorem fidem et cautelam rogavimus et fecimus, confici per Johannem, notarium publicum infra scriptum, qui in premissis omnibus et singulis nobiscum presens fuit signo et subscriptione suis signari et subscribi vobis transmittimus sigillo curie Eduensis roboratum in fide et testimonio veritatis. Nos vero officialis Eduensis notum facimus universis quod nos ad preces et supplicationem dictorum religiosorum nobis oblatas per dictum notarium publicum juratum nostrum huic prosenti decreto una cum signo et subscriptione, ejusdem notarii dictum sigillum duximus apponendum. Acta fuerunt hec in capitulo predicto anno Domini millesimo CCC° quinquagesimo secundo, indictione sexta, mense januarii, die martis et horis predictis, pontificatus sanctissimi in Christo patris ac domini nostri domini Innocentii pape sexti anno primo, presentibus discretis viris magistris Hugone -Closerii, officiali curie domini archidiaconi Eduensis, Petro de Bouchereaul, archipresbitero do Bosco, jurisporitis, Guidone de Faya, notario publico ac religiosis viris fratribus Johanne de Sancto Privato, monacho de Perrechiaco ordinis Sancti Benedicti, et Hugone de Barono, monaco monasterii Sancti Rigaudi, testibus ad premissa vocatis et rogatis. (1)

 

(1). Orig. sur parch. Arch. de la ville d'Autun, F. du Chapitre.

 

II

 

Acte de désaveu de la condition d'homme taillable et mainmortable du prieuré de Saint-Gerrnain-des-Bois.

 

1367.   DÉCEMBRE.

 

Universis presentes litteras inspecturis, nos Hugo Rosselli, burgensis de Paredo, tenentes sigillum commune in comitatu et baronia Kadrellensi constitutum, notu,m facimus, quod anno Domini millesimo trecontesimo sexagesimo septimo, die jovis post festum Nativitatis Domini, que est penultima mensis decembris, apud Sanctum Saturninum de Nemoribus, in turre nova prioratus dicti loci, in camera prioris ejusdem loci, constitutus et existons personnaliter Clemens de Canali, habitator ville Kadrellarum, filius Johannis de Canali de Torinaco, ante faciem viri religiosi et honesti fratris Johannis de, Sancto Privato, prioris Sancti Gormani Briennensis -ac Sancti Saturnini supradicti, ibidem personnaliter astantis et in dictum Clementeni intendentis sibique dixit et oraculo sue vocis exposuit idem Clemens verba que secuntur : Domine prier Sancti Germani, cuin Johannes de Canali, pater mous, ut dicitur, est homo vester et prioratus vestri Sancti Germani, taillabilis conditionisque manus mortue et ego si sic : ita ex consequenti essem conditionis ejusdem, hinc est quod ego a dicto patre. meo emancipatus meique juris existons, vobis tanquam priori, ministro et gubernatori dicti prioratus et ecclesie Sancti Germani Briennensis guerpio et cedo mansum et tenementum, si quem a vobis teneo sive tenui, et a vobis et a dicto prioratu et ecclosia Sancti Germani, vestroque dominio et subgectione, me pro me et mois heredibus et successoribus, heredesque meos et successores ac omnia bona mea presentia et futura totaliter desadvoio et exemo, advoyando meipsum pro me et heredibus mois et successoribus ac faciendo et constituendo ac creando hominem et burgensem meosque heredes et successores homines et burgenses franchum et liberum, franchosque et liberos, ac franche et libere conditionis domini Kadrellensis ad usus et consuetudines et ad libertatem ville Kadrellarum, cujus juridictioni, dominio et potestati me ac meos lieredes et bona quecumque suppono, prout et in quantum melius et firmius possum michique, tain de jure quain de consuetudine ducatus Burgundie, michi permittitur, et quod in tabibus ficri consuetum : requirens et rogans cum magna instancia Johannem Micheleti de Kadrellis, servientem dicti domini Kadrellensis, hie astantem, ut ipso ex officio suo et virtute sui officii sergenture domini Kadrellensis, a vobis et prioratu vestro predicto me desadvoiet et ommino tollat et in advoyationem ac in hominem et burgensem prefati domini Kadrellensis me recipiat et admittat. Qui Johannes Micheleti, tanquam serviens dicti domini Kadrellensis et virtute potestatis sibi date in litteris dicti sui officii sibi super dicto officio concessis per virum nobilem dominum Guillelmum de Ruppe, militem baillivum Kadrellensem, quarum litterarum tenor inferius est insertus et sequitur in hoec verba : Sachent tous que nous Guillaumes de la Roche, chevaliers, bailli de, Charollois, de la loyauté et suffisance de Jehan Michelet, de Chairoles à plein confiens, ycellui Jehan avons fait, mis et establi, façons, mettons, establissons et ordenons sergent général et espécial de Mons. de Charollois, par tout son conté et baronie de Charollois, fiez, rerefiez et ressorz d'icellui, et li avons donné et octroyé, donnons et octroyons plenier povoir et espécial commandement d'adjorner, gager, saisir, brandonner, penunceller, advoier, désadvoier et recevoir hommes en l'advoy et bourjoisie de mondit seigneur et demander, avoir et obtenir pour devant tous juges, et en toutes cours, court renvoy et recréance des hommes et subgey de mondit seigneur et de leurs biens et généralement de faire et exercer touz et un chascun autres faiz et explez de justice, que bons et loyals sergenz peut et doit faire et que à l'office de sergenterie appartiennent, mandons et commandons à tous les officiers et subgez de mondit seigneur, prions et requérons les autres qu'ilz audit sergent en exercent ledit office obéissent et entendent diligemment, et avec ce li donnent confort et conseil et aide se metier li est. Donné à Charoles soulz le scel de nostre court, le XXI jours du mois de décembre, l'an de grace mil CCCLXVII. Incontinenti verbis predictis prolatis accepit dictura Clementem per manum, dicendo quod eumdem Clementem desadvoyabat a dicto priore et a dicto suo prieratu, cumque advoiabat et recipiebat in hominem et burgen-sem, dicti domini Kadrellensis, ad usus et libertatem dicte ville Kadrellarum, inhibondo dicto priori, ex parte dicti domini Kadrellensis, ne a modo in persona sive bonis dicti Clementis et suorum heredum et successorum se aliqualiter intromittat, sub omni ea pena quam erga dictum domin-am Kadrellensem incurrere posset, contrarium faciendo. Qui igitur prior predictus premissa benigne audiens et patienter sustinens respondit et dixit quod ex part-, Dei. A quibus omnibus universis et singulis supradictis factis, prefati Clemens et serviens petierunt et cum magna instancia sollempnîter requisierunt a dilecto nostro Dyonisio de Perches, clerico dicti domini nostri Kadrellensis, notario publico et jurato ibidem presente et omnia premissa a principio usque ad finem et conclusionem dicti negocii vidente, et audiente et de verbo, ad verbum intelligente, cum testibus inferius nominatis cartarn seu publicum instrumentum eisdem et cuilibet ipsorum dari et fieri, quam seu quod idem notarius et juratus tanquam debite roquisitus et rogatus eisdem, Clementi et servienti et utrique eorum dedit et concessit et inde in banc publicam formam reddegit et propria manu sua scripsit sub communi sigillo supradicto. In cujus rei testimonium ad prçoes et rogatum dictorum Clementis et servientis nobis pro eis oblatas per dictum notarium et juratum, cum nobis constet de, premissis per ipsius fidelem relationem oui super Mis et aliis majoribus fidem plenariam adhibemus, sigillum commune predictum hiis presentibus litteris duximus apponendum. Datum et actum, presentibus Guillelmo de Sancto Prîvato, domicello, Pasquerio Pineau de Turone ejus valleto, Garnerio de Bosco Veteri de Sancto Saturnino, clerico, et multis aliis vocatis testibus ad premissa die, anno et loco supradictis.(1)

 

(1) Original sur parch. appartenant à M. Marcel Canat, de Chalon-sur-Saône.

 

III

 

Sentence rendue par le Chapitre d'Autun, par laquelle il confirme l'élection faite par les religieux du monastère de Saint-Sernin-du-Bois, de Mundon Belvaylet, chapelain et pénitencier du pape Eugène IV, pour prieur dudit monastère uni au prieuré de Saint-Germain-en-Brionnais.

 

1443. -9 Novembre

 

Decanus et capitulum ecclesie Eduensis universis presentes litteras inspecturis salutern in Domino. Notum facimus quod cum nuper vacantibus prioratibus conventualibus Sancti Germani Briennensis et Sancti Saturnini de Bosco ordinis Sancti Augustini, Eduensis diocesis, ad invicern et simul ab antiquo annexis, post obitum bone memorie quondam domini Odilonis Porcheti dictorum prioratuum ultimi possessoris, religiosi viri fratres et religiosi dictorurn prioratuum ad quos tam de jure quam consuetudine electio hujusmodi spectat et pertinet, servatis servandis sibi, ipsis fratribus tune in dicto prioratu Sancti Saturnini presentibus, et aliis absentibus prefixerunt et assignaverunt terminum, diem et horam, ad procedendum in facto hujusmodi electionis, ad celebrandum electionem prioris eorumdem; et tandem ipsis capitulariter ad sonum campane more solito adinvicem congregatis concorditer et unanimiter elegerunt in eorum priorem reverendum patrem, magistrum Mundonum Belvayleti sacre theologie professorem, ordinis fratrum predicatorum, Sanctissimi in Christo patris ac domini nostri domini Eugenii pape quarti capellanum et penitentiarium. Quaquidern electione facta, ipsarn electionem idem magister Mundonus benigniter acceptavit.

Subsequonter vero, nos decanus et capitulum ecclesie Eduensis ad quos ab antiquo et ex consuetudine a tali et tanto tempore de cujus contrario memoria hominum non existit, confirmatio hujusmodi electionis spectavit et pertinuit ac spectat et pertinet, fuimus pro parte tam fratrum eligentium quam. domini electi, cum, debita instantia, roquisiti quatinus ad confirmationem hujusmodi electionis procedere vellemus atque curaremus. Nos vero extune in hujusmodi facto mature procedere volentes nonnullas litteras citatorias atque intiatorias decrevimus atque concessimus, per quarum tenorein in dicta Ecclesia Eduensi et valvis ejusdem citari fecimus et mandavimus quoscumque religiosos et alias personas comparituros coram nobis Edue, in loco capitulari Ecclesie Eduensis, hora tertiarum- de mane ad prosentem diem. sabbati, nonam. mensis novembris, ad dicondum excipienduin et proponendum quicquid verbo vol in scriptis dicere, proponere aut excipore vellent. Et quequidem. littere citatorie in dicto prioratu Sancti Saturnini debite fuerunt publicate sive affixe cum protestatione et intimatione factis, quod si dicta die compareront sive non, nos nichilominus ad confirmationom vol infirmationem hujusmodi electionis procederemus, justitia mediante. Et tandem de super modo et forma hujusmodi electionis et circumstanciis ac deppendonciis ejusdem ac meritis et virtutibus dicti domini electi inquisivimus et inquiri fecimus diligenter. Quia de modo et forma ac aliis predictis fuimus sufficienter et debite informati. Ideo -ad bujusmodi confirmationem in scriptîs processimus in hunc qui sequitur modum.

(t) Christi nomine invocato, solum Deum pro oculis habentes, quia visis litteris, instrumentis et aliis munimentis ac processibus coram nobis productis, nobis constitit et constat hujusmodi electioncin et alia inde soeuta fuisse et esse canonicam et canonica. Idcirco per hanc nostram sententiarn quam. pro tribunali sedentes ferimus, in his scriptis pronunciamus decernimus et declaramus eamdem. electionem, cujus ut premittitur confirmatio ab ' antiquo ad decanum et capitulum ecclesie, Eduensis prodicte specta-vit et pertinuit ac spectat et portinet, confirmavimus approbavimus, ac tenore presentium confirmamus et approbamus rogimen et àdministrationern dictorum prioratuum, tam, in spiritualibus quam temporalibus, eidem magistro Mundono priori committentes. Quocirca vos omnes religiosos dictorum prioratum et eorum quemlibet tenore presentium requirimus quatinus prefatum dominum priorem in realern et corporalem possessionein dictorum prioratuum cum suis juribus et pertinentiis universis recipiatis et admittatis, ac eidem debitam reverentiam. faciatis et impendatis, ac eidem tanquam. vestro priori obediatis, adhibitis solemnitatibus in talibus fieri assuctis.

In quorum omnium et singuloruin fidem et testimonium premissorum, nos decanus et capitulum ecclesie Eduensis sepedicti presentes nostras confirmationis litteras seu presens publicum instrumentum exinde fieri, et per notarium publicum subscripturn ac fidelem secretarium nostrum recipi fieri et assignari mandavimus, sigillique, nostri jussimus et fecimus appensione communiri. Datum et actum in nostro Eduensi capitulo nobis inibî de, mane ad sonum campane debite congregatis et capitulantibus die nona mensîs novembris predicta. Anno a Nativitate domini millesimo quadringentesimo quadragesimo tertio, indictione sexta, pontificatus Sanctissimi in Christo patris ac domini nostri domini Eugenii divina providentia pape quarti anno tertio decimo, presentibus ibidem nobilibus viris Johanne, Mairet, Reginaldo de Thoiseyo (1) et magistro Henrico de Clugniaco (2) dornicellis, necnon discretis viris dominis Gauffrido Robini, Guidone Girardi Philiberto Porrioti et Johanne Ponelli presbyteris in dicta nostra Eduensi ecclesia boneficiatis, testibus ad premissa vocatis specialiter et rogatis.(3)

 

(1) En 1416, Geoffroy de Thoisy, peut-être parent de Réginald, fui doyen de la Cathédrale d'Autun et conseiller du due de Bourgogne ; il avait été député par le Chapitre au concile de Constance. (Rituel d'Autun,)

(2) Henry de Clugny était sans doute le frère de Ferry de Clugny, chanoine et official d'Autun, qui fut évêque de Tournay en 1414, puis cardinal ; il avait été chancelier de la Toison d'or ; et de Guillaume de Clugny, aussi chanoine d'Autun, et qui fut évêque de Poitiers en 1478. (Rituel d'Autun.) Ils étaient originaires d'Autun.

(3) Orig. sur parch. Arch. de la ville d'Autun, F. du Chapitre.

 

IV

 

Nomination de J.-B.-Augustin de Salignac de Fénelon au prieuré de Saint-Sernin-du-Bois.

 

Cejourd'hui vingt-trois du mois de juin 1745, bien informé des bonnes vie et moeurs, piété, suffisance, capacité et autres vertueuses qualités du sieur Jean-Baptiste-Augustin de Salignac-Fénelon, prêtre du diocèse de Périgueux, et l'un des aumôniers de la Reine, et voulant par ces considérations le gratifier et traiter favorablement, Sa Majesté lui a accordé et fait don du prieuré de Saint-Sernin-du-Bois et Saint-Germain, son annexe, ordre de Saint-Augustin, diocèse d'Autun, qui vaque à présent par la démission pure et simple du sieur de Saint-Elermine, dernier titulaire ; m'ayant Sa Majesté commandé d'expédier toutes lettres et dépêches nécessaires en cour de Rome pour l'obtention des bulles et provisions apostoliques dudit prieuré, et cependant pour assurance de sa volonté le présent brevet qu'elle a signé de sa main et a fait contresigner par moi, conseiller secrétaire d'Etat et de ses commandements.

Signé LOUIS et PHÉLIPPEAUX.

 

Cahiers de Mgr Devoucoux. (Archives du grand Séminaire d'Autun.)

 

V

 

Inventaire des papiers du prieuré de Saint-Sernin-du-Bois.

 

Cejourd'hui dix septembre 1790, heure de sept du matin, au, village de Saint-Sernin-du-Bois, en la maison seigneuriale dudit lieu, nous François Leger, administrateur du district d'Autun et vice-président du Directoire, commissaire telle part nommé par délibération du quatre de ce mois à l'effet des présentes, sçavoir faisons que nous étant transporté audit Saint-Sernin dès cejourd'hui pour procéder à l'inventaire des titres et papiers du prieuré dudit lieu ; nous avons été introduit dans un cabinet dépendant de ladite maison seigneuriale par M. Lazare Jondot, procureur au baillage de Montcenis, chargé des affaires de M. Jean-Baptiste-Augustin Salîgnac, prieur commandataire du prieuré dudit lieu et de SaintGermain, son annexe, dans lequel cabinet se sont trouvés déposés les titres et papiers dudit bénéfice que nous avons inventoriés ainsi qu'il suit :

ART. 1er. - La grosse du terrier dudit Saint-Sernin-du-Bois, renouvelé en faveur du titulaire actuel par les notaires Douhoret et Villedey, en conformité des lettres royaux du 5 mars 1746, de la commission du lieutenant général du baillage de Montcenis, scellée le 10 janvier 1753, laquelle grosse contient, outre les reconnaissances des censitaires et la déclaration des droits seigneuriaux, l'acte d'affranchissement du droit de mainmorte de tous les habitants et forains mainmortables dudit prieuré, daté du 18 août 1749. Ensemble les lettres patentes et l'arrêt du conseil, confirmatif dudit affranchissement en date des 3 novembre et 22 décembre 1752, enregistrées au parlement de, Dijon le treize janvier1753, et en la chambre des comptes de la même ville, le 1er février suivant ; la grosse dudit terrier, grand in-folio contenant cent soixante-treize feuillets écrits non compris la table en texte et onze feuillets et le recto du douzième aussi écrit sans être cotés, douze feuillets en blanc et enfin dix-huit feuillets contenant les reconnaissances et déclaration des bâtiments et héritage appartenant à la terre de Saint-Gervais, en date du 24 novembre 1764, auquel terrier se trouve joint au verso du feuillet cent-un et sur une feuille détachée une reconnaissance sous sein privé d'une mesure et demie de seigle due audit prieuré par les héritiers' de Philippe Giraut, prêtre chapelain à Montcenis ; ladite grosse cottée en tête du répertoire première ;cy..........................1re.

ART. 2. - La recette manuelle et articulée dudit terrier contenant 174 feuillets grand in-folio écrit, non compris le répertoire en blanc et l'intitulé ; cotté .............2.

ART. 3. - Un autre in-folio contenant les plants géométriques de tous les fonds censables dudit prieuré de Saint-Sernin, au nombre de cinquante-deux outre deux plants détachés et qui sont deux duplicata ; cottés .............3.

ART. 4. - Une liasse : 1° de l'arrêt du conseil de l'État du roi du 3 novembre 1752, confirmatif du traité du 18 août 1749 concernant l'affranchissement du lien de mainmorte ; 2° des lettres patentes du 22 décembre suivant ; 3° l'arrêt d'enregistrement du tout au parlement de Dijon, du 13 janvier 1753 ; 4° celui de la chambre des comptes du premier février suivant ; 5° l'état des frais d'enregistrement et les quittances contenant cinq pièces jointes; sur laquelle liasse est cotté.............4.

ART. 5. - Les pièces d'un procès intenté en l'année 1754. par le sieur prieur à plusieurs particuliers ses censitaires, sur lequel intervient arrêt le trois décembre 1760, qui ordonne le payement des cens, rentes et corvées reconnus par le nouveau terrier, lesdites pièces au nombre de soixante-huit pièces y compris la grosse de l'arrêt ; cotté dessus.............5.

ART. 6. - L'extrait imprimé et sans signature d'un acte de vente passé devant Fieffé, notaire à Paris, le 16 avril 1785, par ledit sieur prieur de Saint-Sernin, le sieur Renard et compagnie, au profit du sieur Chardon, commissaire du roy, Antoine-Jean-François Megret, de Perilly et autres, des forges de Mesvrin, fourneau de Bouvier, étangs, domaine et pâture de Visigneux, par lequel il appert qu'il est dû au prieuré de Saint-Sernin par les acquéreurs : 1° cinq sous de cens, une poule et trente livres de rente foncière non rachetable portant droit de lods et vente ; 2° plus quatre cents livres de cens et rentes foncières non rachetable portant droit de lod sur le pied du denier cent seulement dont est chargé la forge et l'étang de Mesvrin et dépendances, suivant le traité du dix juillet 1763 ; 3° de fournir audit sieur prieur et à ses successeurs, tous les ans à perpétuité, huit cents boisseaux de bled, seigle mesure de Montcenis, et en cas de construction sur le cours d'eau fluant de l'étang de Bouvier dans celui de Mesvrin et sur le terrain dudit prieuré, dix mesures de seigle par chaque usine, même mesure, pendant le temps que subsis. teront lesdites usines ; le tout livrable au jour de Saint-Martin onze novembre de chaque année, à compter de celle de 1784 ; 4° de livrer chaque année à perpétuité deux cents de belles carpes ou grand cent avec leur garniture suffisante en brochets, tanches et anguilles, et un millier de bon fer marchand ; lequel extrait est cotté.............6.

ART. 7. - Une, liasse : 1° deux extraits de reconnaissance sur papier libre passée au profit d'Henry Tissier d'Autefeuille, prieur de Saint-Sernin, par François Bouillet, le 17 novembre 1670 ; 2° d'un acte d'entrage fait par le dit sieur Salignac de Fénelon à Émiland Marlot, le 13 octobre 1782 ; 3° enfin d'une reconnaissance passée au profit dudit prieur par Sébastien Pelletier, le 10 novembre 1782 ; cotté .............7.

ART. 8. - Les provisions obtenues en cour de Rome en 1745, par ledit prieur, pour le bénéfice dudit Saint-Sernin ; cotté.............8.

ART. 9. - Vingt-deux manuels des cens et rentes dues au terrier dudit Saint-Sernin, dont le premier date, de 1570 et le dernier, qui est de l'année 1755, est en très mauvais état, ses feuilles déchirées et séparées les unes des autres, sur lequel il a été néanmoins, après les avoir attachés ensemble, cotté.............9.

ART. 10. - Un autre manuel du même revenu ayant servi à commencer par l'année 1654 jusqu'à celle de 1662, sur lequel est cotté.............10.

ART. 11 - Un procès-verbal de visite des héritages et bâtiment du fermier dépendant dudit prieuré de Saint-Sernin ; lequel est sans datte cotté.............11.

ART. 12. - Un autre procès-verbal de visite de la maison seigneurialle de Saint-Sernin, en datte du 12 février 1788 ; cotté .............12.

ART. 13. - Un ancien titre contenant égallation des rentes dues sur les héritages possédés par Léonard Vaussanvin en 1662 ; cotté.............13.

ART. 14. - La grosse décrétale des biens de Benoît Guyon, dit Labeure, délivrée en 1633 ; cottée         .............14.

ART. 15. - Trente-trois anciens registres de la justice dudit Saint-Sernin, dont le dernier a fini au mois de novembre 1610, lesquels sont presque tous illisibles et lassérés sur le dernier desquels est cotté . ................15.

ART. 16 - Une grosse informe du décret des biens de Claude Ragey, délivré le 6 août 1633, sur laquelle est cotté. .............16.

ART. 17. - Un contract en parchemin du 3 décembre 1414, qui règle les corvées dues au prieuré de Saint-Sernin, cotté.............17.

ART. 18. - La grosse decrétale des biens d'Émiland Munier, délivré à Jean Leclerc, le 12 décembre 1603 ; cotté .............18.

ART. 19. - L'acte d'entrage du moulin de Mesvrin, du 5 juin 1584 ; cotté. .............19.

ART. 20. - Les grosses de six contracts en parchemin dont les fonds ont été aliénés, le premier desquels est datté du 15 août 1461 ; cotté  .............20.

ART. 21. - Un contrat de vente de plusieurs terres chargées de cons et rente envers le prieuré de Saint-Sernin, en datte du 5 avril 1481 ; cotté..............21.

ART. 22. - Sentence rendue par le conseil de M. le due de Bourgogne entre le prieur de Saint-Sernin et les habitants dudit lieu, laquelle règle les corvées qu'ils doivent lui faire annuellement, ladite sentence en datte du 2 décembre 1413 ; cotté.............22.

ART. 23. - Quatre pièces, en parchemin de l'an 1393, qui établissent la remise faite de différents héritages par les chanoines de la cathédrale dAutun au prieuré de Saint-Sernin ; cotté .............23.

ART. 24. - Cinq roulots de différentes grosseur et longueur, en parchemin, qui sont des titres anciens du bénéfice du quatorzième siècle sur lesquels sont différentes notes, lesquels cinq roulots ont été attachés ensemble et cottefiés l'un d'eux du 27 janvier 1412, contenant des déclarations, actes et procédure et enquêtes ; cotté ..........24.

ART. 25. - Un inventaire sur papier libre non signé de tous les titres qui existaient au prieuré le 14 juin 1724, cet inventaire en partie pouri contient 8 feuillets, et cotté.. .............. 25.

ART. 26. - L'extrait en papier de la reconnaissance d'un cens deux denier moitié et 24 d'autre denier tournois, un boisseau et quant et neuvième d'autre boisseau de froment mesure de Nolay, affecté sur des héritages situés à Desize, et reconnu le 7 mai 1761 par Lazare Leger, vigneron audit Decize, au profit du prieuré de Saint-Sernin ; cotté .............26.

ART. 27. - Une liasse : 1° deux extrait en papier de partie du terrier de la terre de Decize, Nolay, etc. du mois de janvier 1448 ; 2° de l'extrait de reconnaissance de cens et rentes au profit du sieur Deganay, du 29 septembre 1495 ; 3° un extrait informe d'une, reconnaissance de cinq feuillettes de vin cleret passée devant Lazare Guesot, notaire à Nolay, le 17 avril 1644 ; 4° l'extrait d'une autre reconnaissance d'une rente de quatre blanc, reçu Moreau, notaire, le 8 novembre 1723 ; 5° l'extrait d'un procès-verbal dressé par Frochot, greffier du parlement de Bourgogne, le 21 mai 1761 ; 6" deux extraits de la reconnaissance de la rente foncière de neuf livres par an due par Claude Clerc, marchand à Decize. Ladite reconnaissance en date du 20 avril 1759, sur laquelle est cotté..............27.

ART. 28. - Une autre liasse de six pièces de procédure dont la dernière est une sentence d'homologation d'un rapport contenant partage du bois du Riaux, en datte du vingttrois janvier 1753 ; sur laquelle dernière pièce est cotté.............28.

ART. 29. - Le plan géométrique d'un entrage fait à Guillaume Marlot, levé en 1770 et cotté .............29.

ART. 30. - Un arrêt du conseil d'État rendu sur la requête du sieur prieur de Saint-Sernin, le 28 novembre 1749, qui déclare les deux tours dépendantes du prieuré de St-Sernin tombées en vétusté et permet de les démolir ; cotté. .............30.

ART. 31. - Un brevet en parchemin du don des fruîts du prieuré de Saint-Sernin-du-Bois et de Saint-Germain, donné par le roy audit sieur Sallignac, le 17 octobre 1745 ; cotté .............31.

ART. 32. - Une liasse de la nomination faitte par le roi audit sieur Salignac, des prieurés de Saint-Sernin et de SaintGermain réunis du 23 juin 1745, ensemble de l'acte de prise de possession qu'il a faite dudit bénéfice le vingt-un septembre suivant, sur lequel est cotté.............32.

ART. 33. - L'extrait d'un procès-verbal d'apposition de scellé faitte sur les archives dudit prieuré après la mort de M. Comte, précédent prieur, en datte, du 20 mai 1741 ; cotté..............33.

ART. 34. - L'extrait en papier d'un traité reçu Clemenceau, notaire à Couches, le 3 novembre 1677, passé entre le sieur Dautefeuille, prieur de Saint-Sernin, et Jean Venot,avocat à Monteenis ; cotté .................34.

ART. 35. - L'extrait d*un acte d'échange passé entre M. Dautefeuille, prieur, et Claude, de la Coste, seigneur de Brandon, le 21 octobre 1676 cotté.............35.

ART. 36. - L'extrait d'un acte contenant égallation des rentes affectées

cotté .............36.

ART. 37. - Une liasse: 1° d'une transaction passée entre les habitants de Saint-Pierre-de-Varenne, Guillaume de la Roche, prêtre religieux de Saint-Sernin-du-Bois et curé de Saint-Pierre-de-Varenne, le 18 septembre 1485 ; 2° d'un autre traité sous signature privée entre l'abbé de Montrevelle, prieur dudit Saint-Sernin, et le sieur Saclier, curé de Saint-Pierre-de-Varenne, pour portion congrue, en datte du 20 décembre 1709 ; 3° Enfin d'une autre transaction contenant abandon de dixine novalle par Antoine Jobard, curé de Saint-Pierre-deVarenne, au sieur Fénelon, prieur de Saint-Sernin, en datte du 8 novembre 1745 ; cotté .............37.

ART. 38. - L'extrait d'une sentence définitive rendue en la chancellerie de Beaune, le huit juillet 1763, en faveur du prieuré de Saint-Sernin, contre Gabriel Divson, veuve de Jean Thomas, vigneron à Decizo, par laquelle elle est condamnée à payer cinq mesures trois quart et dix huitième de mesure de froment, mesure de Nolay, deux deniers en argent pour échus de rente foncière ; cotté .............38.

ART. 39. - Tous les revenus du prieuré de Saint-Sernin sont amodiés aux sieurs Bard, Bessé et autre, ce Kail principal est entre les mains de M. Roy, procureur au d'Autun, le manuel courant des cens et rentes est entre les mains du sieur Châtillon, sous-fermier ; cy .............mémoire.

 

Suivent les titres et papiers dépendant du prieuré de SaintGermain, annexe de Saint-Sernin.

ART. ler. - Un écrit datté du 15 janvier 1769 par lequel le sieur Sarret, procureur du baillage de Charolles, s'est charge envers le sieur Dùpuger, de différents titres appartenant au prieuré de Saint-Germain ; (1) cotté.............1.

ART. 2. - L'extrait en papier d'un acte d'asservsisage fait par le prieur de Saint-Sernin à M. Sarron Rougemont, notaire à Charolles, de plusieurs corps d'héritages dépendant duclit prieuré de Saint-Germain, ledit acte en date du 19 février 1746, auquel est joint la satisfaction du prieur en date du 11" août 1749, sur laquelle est cotté.............2.

ART. 3. - Un second extrait en papier d'un acte d'asservissage d'un pré appelé Saint-Nicolas, contracté par ledit prieur au sieur Claude Mottin, bourgeois à Charolles, le 7 mai 1722 ; cotté .. .................3.

ART. 4. - Autre acte d'asservissage d'un canton de, terrain situé au finage de Saint-Germain-des-Bois, contracté par ledit prieur le 19 février 1746, au profit de Denoit Lhéritier, habitant dudit lieu; cotté. .............4.

ART. 5. - L'extrait en parchemin d'un autre acte

 

(1). Cet article n'est qu'une copie, l'original doit être entre les mains dudit Sarret.

 

d'asservissage de fonds situés audit Saint-Germain, au profit de Gilbert Plassard ; cotté.............5.

ART. 6. - L'extrait en parchemin d'un acte d'entrage du 4 décembre 1757, contracté au profit de François Plassard, marchand à Saint-Germain ; cotté.............6.

ART. 7. - L'extrait en papier d'un autre acte d'asservissage et ratification dudit sieur prieur en date du 16 juillet 1749, contracté au profit de Jean Busseuil et de Jeanne Arfouilloux ; cotté ...............7.

ART. 8. - L'extrait en papier d'un traité reçu Douhèret, notaire à Montcenis, le 5 septembre 1751, entre M. l'abbé de Fénelon, seigneur dudit Saint-Germain, et Louis-Marie Moraillon, tonnelier au village de Largolot, paroisse dudit SaintGermain, ledit acte contenant reconnaissance de la rente de quinze livres,sur lequel extrait est cotté.............8.

ART. 9. - La minute d'un acte d'entrage du pré Nicolas, situé à Charolles, consenti le 7 mai 1722, par-devant de la Praye, notaire, par M. le Comte, prieur dudit Saint-Germain, à M. Jean Deshautels, procureur du roi au baillage du Cha

Rollais ; cotté.............9.

ART. 10. - Une liasse Io d'une lettre du sieur Grandjean, notaire à Saint-Ambrun, du 8 juillet 1787, et d'une charge (le plusieurs extraits d'actes concernant ledit prieuré qui lui avait été adressé par M. Jondot, chargé des affaires de M. le prieur de Saint-Sernin; cotté .........10.

ART. 11 - Un fardeau d'anciens titres et papiers de procédure au nombre de quatro-vingt-une cottes concernant le prieuré de Saint-Germain-des-Bois, la première desquelles est un état sans signature et sans date de plusieurs fonds que le, prieur se proposait d'asservir, sur lequel est cotté une, et la dernière des lettres patentes sur arrêt qui autorise M. l'abbé de Fénelon, prieur actuel, à recevoir le remboursement d'une somme de cinq mille livreset à l'employer Êt faire construire une maison audit Saint-Germain, auxquelles est joint l'arrêt du conseil d'État du roy, le tout en. datte du 27 novembre 1775 , cotté cesdittes lettres patentes quatre-vingt-une ; cotté .............11

ART. 12. - L'extrait en parchemin d'un arrêt du conseil rendu en faveur du prieur de Saint-Germain contre la dame Damanzy, le 23 septembre 1748, lequel arrêt maintient ledit prieur dans la perception de la dixine (lui canton appelé la petite Roué ; cotté . . . . . . _ 12.

ART. 13. - Une liasse contenant douze pièces d'une procédure au conseil, intentée par le prieur dudit Saint-Germain au nommé Lespinasse, dans lesquels est l'arrêt du conseil rendu en faveur dudit prieur le 19 juin 1754 ; cotté.............13

ART. 14. - Un ancien invantaire raisonné des pièces et titres concernant les droits du prieur de Saint-Germain qui petit servir de manuel ; cotté .............14.

Qui sont tous les titres et papiers qui se sont trouvés dans la maison seigneurialle du prieuré dudit Saint-Sernin, lesquelles nous ont été représentées par ledit M. Lazare Jondot, chargé du Pouvoir de mondit sieur Sallignac de Fénelon, lesquels titres et papiers ont été renfermés dans un coffre et formé à clef, laquelle nous a été remise par ledit M. Jondot, et attendu que ledit M. Jondot réside à Montcenis et qu'il ne peut par conséquent se charger de la garde, et conservation desdits titres et papiers, nous nous sommes déterminé, à les faire conduire à Autun pour être déposés aux archives du district incessamment et à notre suite, accompagné dudit M. Jondot, auquel double du présent inventaire sera remis pour sa décharge.

Fait, clos et arrêté en la maison seigneurialle dudit SaintSernin-du-Bois en présence du dit M. Jondot, et assisté de M. Aubin Beau, procureur au baillage de Montcenis, que nous avons choisi pour notre greffier et qui a signé avec nous et ledit M. Jondot, cejourdhui 13 septembre 1790.